Préambule
La vie nous captive, elle nous monopolise. Autrefois solitaire, nous résonnons maintenant à deux, si ce n’est plus. Le temps passe. Certaines expériences se font rares. Cette aventure ne se présentera surement qu’une fois. Du moins, le champ des possibles est infini dans notre société, cependant, les probabilités que nous remettions un jour un pied ici sont proches de zéro.
Le Kazakhstan ? Où est-ce ? C’est dangereux ? Pourquoi ? De l’extérieur, ça ressemblerait presque à une bêtise. Nous pourrions plutôt appeler ça du culot. On ne nous a pas compris, à croire que c’était notre but. La genèse de cette idée est venue, comme souvent, de partir à la recherche d’une destination en dehors des sentiers battus. Un endroit invisible des réseaux sociaux, où les gens sont aveugles de ces paysages, de cette culture. Combien de pays sur Terre n’ont pas encore connu la déflagration Instagram? Vous savez, ce sentiment désagréable, rabat-joie, d’être allé à un endroit sans même y avoir mis un pied.
De notre point de vue, le Kazakhstan ne rentre pas dans ce moule. Le Kirghizistan? Un peu plus, nous approuvons. Quitte à être dans la Région, à quelques centaines de kilomètres, autant aller voir ce qu’il se passe dans le pays voisin.
Il y a sept mois, j’ai proposé à plusieurs de mes amis ce projet de deux semaines et demie. A mes amis proches pour lesquels l’aventure ne leur font pas peur, pour lesquels leur vision du voyageur ne me fait pas peur. Pour la plupart, deux semaines et demie quand on travaille c’est long, ça demande à faire des concessions sur d’autres vacances, avec d’autres amis, avec sa copine, ou d’autres copines, bref, c’est long. Toutefois, dans un monde qui ne cesse de se réchauffer, je considère important le fait de bonifier ses billets d’avion en prolongeant les durées de voyage, en partant de ces destinations qu’avec une volonté de rentrer sans regret.
Après réflexions autour du Cap-Vert, d’Oman ou encore de la Géorgie, Vincent, Jules, Christian et moi avons pris la décision de partir pour le Kazakhstan et le Kirghizistan, deux ans après les Îles Féroé et x années avant notre futur projet.
On grandit, des familles voient le jour dans notre entourage, nos vies ne concernent plus que “moi” mais “nous”, alors profitons des opportunités que la vie nous réserve, entre amis, afin de créer des souvenirs indélébiles de moments inoubliables.
Chapitre 1 – Mercredi 1er mai 2024
Près de sept mois sont passés depuis l’achat des billets. Ce voyage paraissait si loin, inaccessible. Plus le temps passait, plus la date se rapprochait, plus l’excitation montait. Deux semaines et demie de vacances, ça veut aussi dire faire l’impasse sur d’autres vacances. Je n’ai personnellement pas eu de semaine complète de congés depuis août 2023. Il faut donc comprendre la fatigue accumulée après huit mois de bons et loyaux services essentiellement derrière un ordinateur. C’est le jour J, je ne suis pas malade ni blessé, c’est officiellement lancé.
C’est Marin qui va inaugurer notre venue au Kazakhstan en étant le premier de la bande à fouler le sol Kazakh. Départ pour lui depuis Toulouse en fin de matinée pour une arrivée prévue à 04h00 du matin heure locale. De notre côté, avec Jules, départ à 19h00 de Lyon avec un stop pour tout le monde à Istanbul. Passage presque obligatoire depuis la France car les vols qui desservent l’Asie Centrale se font essentiellement par Turkish Airlines. Ce stop aura notamment permis à Marin de faire du Marin en goûtant tout ce qui était possible et imaginable à l’aéroport. De notre côté avec Jules, c’est plutôt confort, le choix est vaste sur nos écrans afin de regarder quelques vidéos touristiques de nos futures destinations. Entre stress, excitation, tout en se disant que deux semaines et demie c’est long. Toujours des sentiments partagés avant de partir en vacances. Dans tous les cas, nous n’avons jamais été aussi proche d’arriver dans notre inconnu.
Chapitre 2 – Jeudi 2 mai 2024
Après deux repas en deux vols et plus de dix heures d’avion au cumulé, nous y sommes. Depuis le hublot, nous avons eu un premier aperçu du menu qui nous attend: steppes, canyon et montagnes enneigées. Trop génial.
Tout comme à l’aéroport d’Istanbul, nous avons énormément de mal à se connecter au Wi-Fi de l’aéroport et donc beaucoup de mal à contacter nos familles et… Marin arrivé quatre heures avant nous.
Malgré tout, les bagages sont récupérés et nous retrouvons sans trop de mal Marin à la sortie, accompagné d’un groupe de musique local qui a dû se déplacer pour accueillir des touristes un peu plus mainstream que nous. Le contexte est posé. En arrivant, nous étions préparés à nous faire aguicher par tous les taxis truands du pays. Cela n’a pas manqué, deux chauffeurs conversant en kazakh se bataillent le droit de nous emmener au centre ville. Malheureusement pour nous, c’est le moins charismatique qui gagne la partie avec la voiture la moins charismatique. Pas de ceinture, tout est OK. Nous “négocions” 5 000 tenges, l’équivalent de 10 euros. Le trajet est assez folklorique, le chauffeur ne parle pas anglais. Rentrer notre adresse sur le GPS semble relever d’une thèse de médecine pour lui. Malgré tout cela, nous arrivons à destination pour un prix de 10 000 tenges, parce que tu sais, “5 000 tenges c’était que pour une personne”. D’accord, nous ne sommes pas vraiment à ça près. Négociation menée, 10 000 tenges pour trois passagers, notre ami nous libère et nous pouvons donc officiellement fouler le sol du centre-ville. Almaty est une ville mixant le délabré, des bâtiments assez récents du style communiste et de la verdure le long de toutes les rues.
Quelques minutes plus tard, nous nous débrouillons pour rapidement retirer de l’argent et boire notre premier café depuis de longues heures de trajet. Avant de récupérer notre AirBnB, nous décidons avec Marin de se prêter au jeu du coiffeur local, coutume pour Marin, grande nouveauté pour moi mais au combien nécessaire. L’expérience restera mémorable. Un homme d’une cinquantaine d’années, vraisemblablement turc, passionné mais… très viril dans ses gestes. Entre le shampoing la tête la première dans le lavabo et les tirages de cheveux sportifs, le cadre est de nouveau posé. Coupe relativement classique pour moi, dégradé un peu trop prononcé pour Marin, Jules en spectateur, l’équipe semble dorénavant prête. Il est 14h00, les clés du AirBnB sont récupérées, nous sommes en plein cœur du ce que nous pourrions appeler le “centre d’Almaty”. S’ensuit une sieste pour Jules et une escapade au 12ème étage de notre bâtiment pour Marin et moi afin d’admirer la ville en prenant un peu de hauteur.
Une fois la micro-sieste terminée, nous voilà chaussures au pied afin de faire nos premières découvertes de la ville. Première étape: l’enseigne de sport SportMaster que Jules souhaitait découvrir. Pour information, à la suite de ce stop, Jules à dorénavant interdiction de recommander quoi que ce soit au cours de ce voyage. Bien que l’expérience consommateur était proche du néant, Jules est quand même repartit avec un ballon de rugby. Son rêve étant notamment de “taper des grandes chandelles au cœur du Kazakhstan”. Les voyages sont faits pour réaliser ses rêves, celui-ci semble accessible. Nous poursuivons notre city-trip par la visite de la Mosquée d’Almaty puis le Green Bazar, l’équivalent d’un marché couvert typique des pays musulmans ou beaucoup trop de choses s’entremêlent, entre légumes, vêtements, outillages, plantes et j’en passe. Nous prenons ensuite la direction de la Cathédrale orthodoxe Zenkov, bâtiment très coloré et superbement bien entretenu. Cette cathédrale est présente au cœur d’un très beau parc. Le côté verdoyant de cette ville est très agréable et, malgré la circulation, lui donne un aspect paisible. Nous nous arrêtons enfin dans un café en terrasse. L’endroit est simple mais le détendu. Le serveur, seule personne parlant anglais après 7 heures de visite, est semble t’il assez “chaud”. Il nous recommande notamment de revenir à son bar le soir parce que “les femmes Kazakhs aiment les européens…” 18h30, heure de partir à la recherche d’un restaurant. J’avais spotté sur l’application Mapstr un restaurant russe recommandé dans le Lonely Planet. Bingo, pour être typique, c’est typique: décoration à base de fusils, entrée à base de hareng, patates et cornichons et SURTOUT deux heures de chants russes à ne pas s’entendre parler mais au combien hilarant. Un restaurant dont nous nous souviendrons de longues années plus pour l’expérience que pour la cuisine. 21h00, armé de notre ballon de rugby, nous rentrons par la Cathédrale Zenkov by night. A base de grandes chandelles de rugby, nous prenons le temps de s’arrêter taper dans un punching-ball. Le choix est large, il y en a à tous les coins de rues. Sur la principale esplanade du parc, nous apprécions également voir un grand nombre de jeunes jouer au volley-ball sur la place de la cathédrale. Nous comprenons rapidement la place du volley dans le sport Kazakh.



Chapitre 3 – Vendredi 3 mai 2024
5h00 du matin, ça frappe à la porte du AirBnB. Jules et moi restons impassible. Nous dormons. Étonnamment, Marin se lève. Christian se trouve derrière la porte, accueilli par un Marin qu’il ne connait pas, en caleçon, à peine les yeux ouverts. Petite bise puis… retour au lit jusqu’à 9h00. Tout le monde est réuni au milieu du monde, au Kazakhstan. C’est un plaisir que tout le monde soit là et puisse faire connaissance. Christian, ami allemand, ne connaît ni Jules, ni Marin. Marin et Jules, eux, se connaissent à travers le dernier voyage aux Îles Féroé. Les présentations étant faites, nous nous pressons de trouver un endroit où prendre un petit déjeuner. Le temps de se réveiller et de se doucher, nous nous retrouvons avec un bon brunch de type européen dans le ventre. Après quelques boutiques ensemble et deux teeshirt achetés pour Christian, le groupe se scinde en deux. Après le SportMaster de Jules hier, c’est Marin qui souhaite se rendre aujourd’hui au Decathlon d’Almaty. Marin déserte donc en direction de son employeur français tandis que Jules, Christian et moi prenons la direction de la Mosquée et de, grossièrement, le même tour que la veille.
Le premier acte de ce tour touristique nous permet d’assister à l’appel à la prière à la Mosquée d’Almaty. Dans un second temps, nous découvrons par hasard de nouveaux lieux au Green Bazar. Nous tombons notamment sur la partie alimentaire avec toutes les viandes à même les étables, sans froid, avec au menu des tripes, des têtes, et tout ce qu’il est possible d’imaginer pour du bœuf, du poulet et… du cheval.
Nous descendons ensuite vers le Sud de la ville. Passage obligatoire devant la bien familière Cathédrale Zenkov où nous découvrons son intérieur, puis direction le Musée National d’État du Kazakhstan, lieu où nous nous sommes donnés rendez-vous avec Marin. Les retrouvailles se déroulent sans trop de mal, après quelques kilomètres agréables à arpenter les rues d’Almaty, en tombant sur des lieux assez insolites comme une Tour Eiffel avec des affiches communistes au dos, mise à part ça, presque rien de plus banale. Pas de visite du Musée National d’Etat par flemme et non volonté de perdre du temps dans notre journée déjà bien rempli. Notre prochain objectif est maintenant de se rapprocher du Jardin Botanique que j’avais personnellement spotté. Entre une visite d’un magasin de sport ou nous avons la surprise de croiser un champion Kazakh de cyclisme ayant fait 5 fois le Tour de France avec Armstrong, Contador & Co, ou la découverte des grattes ciels vitrés d’Almaty, la distance jusqu’au Jardin Botanique nous paraît longue, tout comme notre brunch matinal. C’est en arrivant à proximité du Jardin Botanique que nous prenons le temps de prendre des forces à base de boissons fraiches et donuts sur une terrasse. L’échange avec la serveuse reste compliqué, ce n’est maintenant plus une surprise de voir des Kazakh qui ne parlent pas un mot d’anglais. Après réflexion, nous prenons la décision de ne pas aller au Jardin Botanique pour une question de temps. Nous reprenons donc la direction du Nord de la ville dans le but d’aller voir un des principal stade de football de la ville. Stade avec vue sur les montagnes, boutique officiel du Keirat Almaty. Tout pour plaire à Jules (mais également à nous tous, amoureux de sport). Après près de 15 kilomètres de marche, nous décidons de rentrer en métro car, le métro a l’étranger, c’est une expérience. La fouille telle un aéroport est une première expérience, l’achat de jeton de fête foraine faisant office de ticket de métro en est une seconde. Trois stations de métro plus tard, nous voilà de retour dans notre quartier. Juste le temps de retirer un peu de monnaie que nous rentrons prendre une douche avant de partir dîner.
Pour le dîner de ce soir, c’est Marin qui se laisse influencer par TripAdvisor. Attention Mesdames et Messieurs, nous prenons la direction du “quatrième meilleur restaurant d’Almaty” selon Marin. 1,5km à pied qui en ont paru comme 10 après une journée où nous aurons fini par en faire près de 20. Découverte du vin Kazakh, burger avec des petits gants en plastique, quelques détails amusants, d’autant plus quand on aime l’environnement. Marin est rassuré, nous aussi, TripAdvisor n’a pas menti, nous avons bien mangé. Nous prenons ensuite la direction du bar d’hier, vous savez, celui où “les femmes Kazakh aiment les européens”. Finalement sans grand intérêt, nous partons après une première bière pour nous rendre au BlaBla Bar, lieu apparemment bien connu dans la vie nocturne d’Almaty. Cela n’a pas manqué sachant que… ah non, pardon je me suis personnellement fait refouler de l’entrée étant donné que j’étais chaussé de Birkenstock (oui je n’avais que des chaussures de trails ou trekking pendant ce voyage donc les “Birk'” de Christian ne pouvaient avoir que plus de flow que mes chaussures). Afin de ne pas gâcher la soirée des copains, A/R à l’appartement pour chausser les chaussures de trail Saucony violettes pour finalement réussir à rentrer au BlaBla sous réserve de payer mon entrée.
Ambiance très guindé, la boîte de nuit est très sympa et tout le monde semble s’être mis sur son 31, sauf nous (ou plutôt moi avec mes chaussures prêt à enchaîner sur un trail). Avec quelques shooters offerts avec notre billet d’entrée, nous sommes conviés à jeter ces mêmes shooters en glace sur des cibles comme à la fête foraine. Idiots que nous sommes, nous prenons un malin plaisir à le faire, tout en criant, tout en faisant bien rire la serveuse. Les verres s’enchaînent ensuite jusqu’à notre départ à 3h00 du matin. Retour en Yandex (Uber Kazakh) ou, une fois arrivé au AirBnB, je prends la décision d’aller me doucher et me coucher tandis que les gars partent à la recherche d’un kebab. Une heure plus tard, les voilà rentrés avec un nombre de ballons de baudruche rose incalculable. Nous finirons par avoir le droit à des coups de poings dans le mur de la part des voisins afin que nous stoppions de faire du bruit. Il est 04h15, nous récupérons la voiture à 09h00 et nous sommes cuits.



Chapitre 4 – Samedi 4 mai 2024
Le réveil sonne à 08h40, comme prévu. Nous sommes cuits. Enfin, certains plus que d’autres. Mon refus d’aller chercher le kebab m’aura permis de siroter un bon volume d’eau, contrairement à Jules, Marin et Christian. Il semblerait que le mal de casque soit bien présent pour eux ce matin.
Je reçois un message vocal (au Kazakhstan, tout le monde utilise WhatsApp via message vocal) de Nikita de Vladex, notre loueur de voiture local. Ils ont eu l’amabilité de nous déposer la voiture de location devant notre AirBnB. Quel luxe. Il est 09h10, notre magnifique Renault Duster (la marque Dacia n’existe pas au Kazakhstan) arrive. Check du véhicule, celui-ci semble déjà avoir reçu pas mal d’impacts sur la carrosserie mais rien de bien alarmant. Tout est noté, tout est très pro, j’apprécie tous les échanges depuis le début de la réservation avec eux. Tous les documents me sont transmis, dont une carte rigide pour le véhicule qui fait office de “papiers de voiture” comme on les connaît en France. Une fois les clés récupérées, nous finissons de tout packer avec l’objectif de rapidement sortir de la ville pour voir ce que nous sommes venus voir : la nature. Les automobilistes à Almaty roulent correctement, la ville est bouchonnée mais sans que cela soit excessif. Premier arrêt: un supermarché afin de faire le plein de vivres. Nous en trouvons un en périphérie d’Almaty. L’endroit semble très rustre de l’extérieur, dans une zone périphérique poussiéreuse, mais au combien qualitatif à l’intérieur. Nous y trouvons pas mal de produits européens comme du Nutella, des boîtes des conserves Bonduelle et j’en passe. Les courses sont faites. Pour tout vous dire, la voiture était déjà surchargée avant de faire notre plein (heureusement que nous ne sommes pas venus faire ce voyage à 5), mais avec les courses en plus, le bordel. En plus de cela, nous avions acheté des carottes râpées et autres barquettes en plastique et celles-ci se sont cassées en compactant le tout dans le coffre. Génial le jus de carottes plein les mains. Bilan, pique-nique sur le parking du supermarché, en plein cagnard, en pleine poussière, sympa ce premier déjeuner “dans la nature”. D’un aspect urbanisme, ce qu’il faut savoir c’est qu’au Kazakhstan, au-delà d’une certaine pollution que les Kazakhs ignorent totalement liée aux automobiles et centrales à charbon, il y a énormément de poussière en dehors des villes liée à l’aridité du pays et au non entretien des villes et routes.
Bref, le déjeuner mangé, nous voilà ainsi parti en direction du parc d’Ile-Alatau avec l’objectif de relier le Lac Bartogay à moins de 100 kilomètres de notre superbe aire de pique-nique. Pour faire assez simple, il s’agissait pour nous du premier trajet en dehors d’Almaty. Nous avons ainsi pris conscience de l’état des routes catastrophiques lors de ces premiers kilomètres. Dans ce cadre-là, après avoir fait le nécessaire pour éviter tous les nids de poule digne d’un Grand Prix Mario Kart, nous arrivons à l’entrée du parc, celui-ci étant délimité par une barrière où nous devons payer un droit de passage. Sans même payer, nous nous rendons compte que la route ciblée qui permet de rejoindre le Lac de Bartogay est fermée. Bon, ça commence, pas grave. Une autre route beaucoup plus simple mène au lac. A travers ce court échange avec le garde du Parc, nous comprenons une fois de plus la difficulté à pouvoir échanger avec les locaux. Question sérieuse, qui parle le mieux anglais entre un Kazakh et Marin ? Pas facile d’y répondre… Demi-tour d’environ 15 km puis direction le Lac de Bartogay par d’autres petites routes, étant toujours moins “petites” que celle ciblée initialement. La route est longue, droite et vêtue d’un nombre de nids de poules incalculables. Nous effectuons un premier arrêt dans les steppes avec vue sur les montagnes dans le but de grignoter et profiter, enfin, de la nature. Il n’y a rien, ou presque. Une voiture de temps en temps, des troupeaux de vaches, de moutons, qui sont accompagnés de leur berger à dos de cheval. Constamment. Lors de notre pause, nous en profitons pour sortir le fameux ballon de rugby de Jules ainsi que le ballon de volley de Marin. Quelques échanges bien sympa, une retournée de ma part qui a failli virer au drame, bref on se marre avant de reprendre la route. Une bonne centaine de kilomètres plus tard, nous arrivons à la bifurcation menant au Lac de Bartogay. Premier vrai choc de paysage. Les steppes, les vraies. Des étendues plates de dizaines et dizaines de kilomètres. Ce qui fait la beauté de ce pays et de ces paysages, ce sont les montagnes au fond de ces steppes qui rendent le paysage sublime. Les lumières ne cessent de changer avec le soleil s’échappant fréquemment des nuages. La bifurcation nous fait également découvrir un autre type de route: les routes de terre. L’enfer mais l’apprentissage se fait rapidement, les difficultés de conduite sont déjà montées crescendo. Les kilomètres passent, une dizaine environ, avant d’apercevoir enfin le lac. Magnifique. Les steppes le borde, seule une autre voiture semble également se prêter au jeu du bivouac. Entre nous, ce n’est pas la place qui manque, la rive sur laquelle nous sommes doit facilement faire 20km. Nous trouvons un endroit plat où planter notre campement pour la soirée. Cette première nuit de bivouac est pour nous une chance, un cadeau quand nous observons l’endroit dans lequel nous sommes. Steppes, lac, montagne de plus de 3000m à l’horizon. Quelles sensations. Les gars décident de monter leurs tentes. Tous les trois en ont pris une dans leur sac Je décide pour ma part de dormir dans la voiture comme à mon habitude française. Finalement, nous aurons chacun notre chambre pour ce soir.
Notre principale fierté est celle d’avoir pu faire un feu ce soir-là. Étrangement, le bois flotté ne manquait pas sur les rives du lac, d’autant plus que ce bois brûle très facilement. Nous avons donc mangé chaud avec des pâtes à la sauce tomate au menu. Bien que nous soyons crevés de la veille et que notre foie se remet tout juste de ses émotions, nous trouvons la motivation de décapsuler des bières Kazakh (ou pas, c’était écrit en cyrillique) afin d’immortaliser ce dîner. Ce moment est pour nous la définition du paradis. Nous sommes au Kazakhstan, dans notre élément, celui de la nature, nature que nous aimons tant et où nous allons dormir. Ce sentiment est également unique quand nous regardons autour de nous et que nous avons cette sensation d’être SEULS AU MONDE. La vie. Ce moment restera des plus inoubliables pour nous après quelques jeux de rugby, handball et volley.
19h00, les lumières se baissent jusqu’à s’éteindre totalement. Le feu nous éclaire. Nous en profitons pour faire quelques light painting avec l’appareil photo avant de rentrer dans nos chambres vers 20h30. Il est tôt, certes, mais en montagne/nature, quand la nuit tombe, nous n’avons plus grand chose à faire. Et puis, entre nous quel plaisir de se coucher tôt, d’autant plus quand la veille nous n’avons dormi que quatre heures.



Chapitre 5 – Dimanche 5 mai 2024
Il est 04h30 quand nos yeux commencent à voir apparaître les lumières du jour. C’est loin d’être facile, bien que nous nous soyons couchés tôt. Nous restons excités à l’idée de voir le lever de soleil et notre premier lieu de bivouac sous de nouvelles lumières. Marin est étonnement le premier à sortir de sa tente. C’est notamment lui qui réussira à capturer les plus belles lumières de ce lever de soleil. Christian et Jules embrayent le pas quelques minutes plus tard. Au-delà de l’agitation sur le camp, il semblerait que la chaleur des tentes ait précipité leur réveil. Les lumières ne cessent de changer minute après minute. Nous prenons une fois plus la conscience de l’immensité du lieu dans lequel nous sommes, seuls au monde. Après une bonne nuit relativement correcte petit déjeuner servi sur le capot de la voiture: pain et Nutella au menu. Tandis que j’en profite également pour sortir mon drone pour la première fois du séjour, quelques gouttes nous pressent gentiment à plier bagage. Le ventre (presque) plein, nous reprenons la route en direction du Parc National Charyn Canyon, situé à environ 1h00 de voiture. Après être arrivés aux portes du Parc, quelques interrogations planent sur l’essence restante. Nous ne savons pas forcément à quoi nous attendre dans le Canyon. Les routes vont-elles sans cesse monter et descendre et donc nous faire consommer plus que la moyenne ? Finalement, après mure réflexion, nous décidons de rebrousser chemin afin de la jouer “plat du pied sécurité”. Une heure de trajet jusqu’à la prochaine station essence, rien que ça. Une des complexités au Kazakhstan repose sur l’immensité du pays et sa très faible densité de population. Comme dans ce cas précis, aucune station ne peut être visible à moins de 200 kilomètres à la ronde. Tout plein d’essence se doit donc d’être anticipé. Arrivé à Shonzhy, dans une station service des plus européennes. Après cette petite centaine de kilomètres, nous commençons à nous questionner sur l’intérêt de retourner aujourd’hui au Parc National Charyn Canyon. Avec ce “détour”, nous nous sommes considérablement rapprochés du Parc National de Altyn-Emel, parc bien plus éloigné du Kirghizstan que l’est le Charyn Canyon. Étant donné que notre passage de frontière est dans deux jours, il serait donc plus intelligent de réaliser les Parcs les plus éloignés et revenir ensuite en direction du Kirghizistan. L’idée vient de Jules, nous l’approuvons tous. C’est (re)parti pour près de trois heures de voiture sur les routes toujours aussi qualitatives du Kazakhstan. Je passe cette fois ci le volant à Christian afin de pouvoir me reposer et chiller. Durant ces quelques heures de trajet, nous traversons tout un tas de paysages tous aussi différents les uns que les autres. Entrée de canyons à l’américaine, champs colorés avec hauts sommets en arrière plan. C’est magnifique. Nous en profitons notamment pour faire un semblant de pause sur le côté de la route afin de photographier ces champs et faire quelques passes de rugby.
Nous reprenons la route, bifurquons en direction du Parc National tout en passant devant Kalinino, dernier village notable avant les centaines de kilomètres de route de terres du Parc National. Pour l’anecdote, tous les villages que nous traversons sentent terriblement mauvais. Nous supposons que cela s’explique par la présence de bétails en très grand nombre et de l’absence de “tout à l’égout”. En effet, j’aurai le temps de parler plus tard des toilettes mais c’est quelque peu catastrophique. Comme pour tous les Parcs Nationaux que nous avons vu jusque là, nous avons le droit à un garde à l’entrée. Dans le cas d’Altyn-Emel, nous n’avions malheureusement pas compris que nous devions acheter notre droit de passage à Kalinino. Chemin inverse sur plus de 5km sur une route de terre des plus catastrophique. Le mot “catastrophique” prend réellement tout son sens pour cette route. Retour au village, paiement d’environ 5 000 tenges (10 euros) pour quatre personnes et le droit de passage de la voiture pour 24h. Chemin inverse afin de retourner voir le garde, tout est OK. Nous pouvons officiellement rentrer dans le Parc National d’Altyn-Emel et se coltiner… cinquante kilomètres d’aller simple sur cette route de terre catastrophique, pleine de microscopiques ralentisseurs créés par le sable et le vent créant des terribles vibrations. Après avoir jauger le terrain sur quelques kilomètres, nous finissons par comprendre que l’erreur est de rouler doucement sur ce type de route. En accélérant et en montant à des vitesses proches de 90km/h, les vibrations se font de suite beaucoup moins ressentir. Pour mettre un peu de contexte à ce que j’écris, le Parc National Altyn-Emel s’entend sur plus de 100 kilomètres d’Est en Ouest et 40 kilomètres du Nord au Sud. Le lieu est immense, très peu de routes existent et les principaux points d’intérêts sont aux différentes extrémités du Parc. Dans notre cas ce jour-là, notre objectif est d’aller voir la Singing Dune. Il s’agit d’une dune de sable digne du Sahara au beau milieu de ce désert aride mais où une certaine végétation est présente. Passé les 50 km en mode rallye, nous retrouvons moins d’une dizaine de voitures stationnées sur le parking entre plaques d’immatriculation Kazakh, Kirghiz ou Russe.
Le spectacle est une première pour moi n’étant jamais allé dans un pays avec un quelconque désert de sable. Le résultat est à la hauteur de mes attentes, d’autant plus que l’affluence reste très faible. Nous partons ainsi pour “l’ascension” de cette dune de sable de près de 100 mètres de haut, accompagné d’un vent de très forte intensité laissant penser qu’un orage approche. Les grains de sable sont très fins, toutefois, le sable ne s’envole qu’à hauteur des pieds. Nous ne cessons de nous arrêter toutes les deux minutes pour prendre des photos afin d’immortaliser chaque moment. Arrivés au sommet, une russe faisant partie d’un groupe touristique vous demande de la prendre en photo, elle en fait de même pour nous. Vous ne serez que très peu surpris si je vous dis que pour une personne propriétaire d’un Réflex, celle-ci a réussi à ne pas cadrer notre photo. Ce théorème des photographes ne sachant pas prendre de photo de d’autres personnes est un grand mystère pour moi.
Au sommet de la dune nous voyons arriver au loin la fameuse tempête avec de belles traînées de pluie apparentes. Nous nous activons pour terminer notre boucle au milieu de nouvelles dunes. La chance aura fait que seul le vent nous aura gêné lors de cette marche, la pluie étant arrivée qu’à notre retour dans la voiture. A notre arrivée au parking, nous prenons le temps d’enlever le bac à sable présent dans nos chaussures puis reprenons la route sur ces mêmes 50 kilomètres.
Les bourrasques de vent proche des 100km/h se font ressentir au volant. Pour tout vous dire, notre objectif ce soir-là est de trouver un endroit de bivouac convenable, malgré la tempête. Entre nous, le vent et la pluie auront rapidement eu raison de nous. En “urgence” nous tentons de trouver un logement pour la nuit afin de se doucher et pouvoir dormir au sec. Chose demandée, chose trouvée, nous nous débrouillons pour trouver une sorte de guesthouse à Kalinino. Avec deux chambres pour quatre et des douches communes, le soulagement est fort quand nous apercevons l’abondance des averses à travers les vitres. Le dîner se résumera à un pique nique sur le tapis du salon et à une longue conversation avec des touristes russes pour Marin. Son anglais parle toujours pour lui-même, malgré tout, il semble se faire comprendre jusqu’à échanger de bonnes adresses. Il est déjà tard à l’entrée du Parc Altyn-Emel, il est l’heure pour nous d’aller se coucher dans des draps propres tout en étant accompagnés de quelques cafards (merci Jules pour l’héroïsme afin de les tuer). Bonne nuit.



Chapitre 6 – Lundi 6 mai 2024
La tempête est passée, le ciel est bleu. Personne ne regrettera le fait d’avoir pris en urgence cette guesthouse. A la suite de sa conversation avec les russes, Marin est plus que jamais motivé à aller manger le petit déjeuner proposé par les hôtes. C’est d’ailleurs son anniversaire aujourd’hui. Marin fait office de guide afin de nous mener à la salle à manger. Entre nous, ce rôle n’est pas sa plus grande force. Après avoir ouvert quelques portes, la salle à manger nous reste encore inconnue. Christian, Jules et moi abandonnons et partons manger notre pain avec notre Nutella. De son côté, Marin persiste et signe. Il a trouvé et profite donc de son petit déjeuner.
Une fois le ventre rempli et les valises bouclées, nous reprenons la route vers une nouvelle branche du Parc National Altyn-Emel. Après avoir fait hier 100 kilomètres aller-retour sur une route comparable à quelqu’un qui te secoue pendant deux heures, c’est aujourd’hui 150 kilomètres qui nous attendent. Qui dit mieux ? Le Duster dans les starting-blocks, nous attaquons cette journée avec impatience, à la recherche de l’inconnu, d’autant plus que nous n’avons pratiquement pas vu d’images de ce qui nous attend aujourd’hui. Comme toujours, au-delà de la qualité de la route, nous ne sommes pas déçus par le spectacle proposé à travers nos vitres. De grandes étendues désertiques avec des reliefs orangés en arrière plan. C’est tout simplement somptueux. Nous arrivons à destination après plus d’une heure de trajet. Il fait très chaud ce jour-là, surement le plus chaud depuis le début du séjour. les paysages désertiques s’expliquent très facilement. Le cadre où nous sommes est incroyable, ces paysages peuvent faire penser aux Etats Unis et ses grands parcs, sans les touristes et sans l’artificialisation des routes. Nous sommes une fois de plus, seuls. Ce qui se dresse en face de nous est comparable à de grandes montagnes colorées en forme de champignons s’étendant sur des dizaines de kilomètres. Derrière nous, face à ces montagnes, nous retrouvons ces grandes étendues de steppes sans fin. Nous décidons de prendre un peu de hauteur en réalisant “l’ascension” d’une de ces montagnes. Notre conscience nous fait rapidement comprendre que ce que nous faisons n’est pas bien pour la préservation du lieu. Malheureusement, nous fermons les yeux sur ça et continuons. La vue au sommet est à couper le souffle. Maintenant engagé dans notre randonnée, nous longeons le sommet qui s’étend sur plusieurs kilomètres jusqu’à arriver sur un point panoramique permettant de profiter d’une vue sur de nombreux sommets. Des montagnes particulières mais magnifiques, colorées d’un dégradé d’orangé avec un sommet vêtu d’un blanc sableux. Nous prenons cinq minutes pour prendre un encas et sortir le drone. La descente n’est pas une mince affaire. Nous parvenons à identifier un endroit non-balisé pour descendre. Nous profitons de la composition de ces montagnes, faites de petits cailloux/pierriers, afin de ne prendre aucun risque dans cette descente. Une fois en bas, nous sommes toujours seuls, aucune voiture à l’horizon. En parallèle de ces montagnes se trouvent d’autres montagnes beaucoup plus rouges par lesquelles nous rentrons. Il est aux environs de 12h00 quand nous retournons à la voiture. Sur le parking, deux cyclistes russes en itinérance que nous avions doublé sur la route sont présents. Ils ont réalisé ces 75 km de routes de terres à la force de leur jambe. En manque d’eau, nous remplissons les gourdes et leur souhaitons une bonne fin de séjour. Sur le retour, nous nous arrêtons à proximité d’une sorte d’oasis au milieu de ce désert, idéal pour se rincer le visage et les mains. Avec tous ces kilomètres, le réservoir de la voiture diminue, nous réussissons à nous faire une nouvelle frayeur avant de trouver une station service de bonne fortune sur la route non loin de Kalinino. La seule essence disponible est du SP92. Nous prenons, nous n’avons pas le choix, tant pis pour le moteur encrassé. Il était moins une, nous étions une fois de plus sur la réserve. Maintenant sorti du parc national de Altyn-Emel, nous prenons la route du fameux Parc National Charyn Canyon. Jules prend le volant ce coup-ci. Entre nous, je suis un peu lessivé de conduire, encore plus après ces 150 kilomètres sportifs. Une seule bifurcation en 200 kilomètres et il aura fallu que nous nous trompions de route. Résultat : détour de 150 km de plus étant donné que nous sommes sur une voie rapide à 2×2 voies et que ces mêmes voies sont séparées par des glissières de sécurité. Par chance, nous arrivons à trouver une brèche dans ces glissières afin de faire demi-tour sur… l’autoroute. Champions.
Retour à Shonzhy 48h après notre dernier plein d’essence ici. Nous spottons un “restaurant” afin de pouvoir enfin déjeuner. Il est 15h00 et le petit déjeuner semble bien loin. Ce même restaurant est dans son jus mais on ne pourra pas lui reprocher d’être local. Comme souvent, personne ne parle anglais et Google Traduction reste notre meilleur ami. Nous commandons une fois de plus une panoplie de plats pour la modique somme de 30€ pour 4 personnes. Petit passage aux toilettes du restaurant dans l’arrière cour. Le restaurant n’étant pas pour autant en mauvais état, je reste tout de même surpris d’être accueilli par un trou, similaire à des “chiottes” à la turc, avec une magnifique vue plongeante sur une impressionnante quantité d’excréments présentes dans ce trou. Quand je vous dis que ça pue dans les villes secondaires. L’heure passe, notre objectif est de trouver un bivouac à proximité de Charyn Canyon. Par sécurité et “expérience”, nous nous assurons d’avoir un réservoir d’essence plein afin de s’éviter de nouvelles frayeurs. Premier échec après avoir jauger un endroit proche d’une rivière. L’endroit restant quand même assez sale et passant. Nous décidons ainsi de s’excentrer du cours d’eau en prenant un peu de hauteur (du moins, nous sortons de la branche du canyon où était la rivière). Retour dans les steppes, routes de terres menant nulle part. C’est officiel, le spot du soir est trouvé. L’endroit est vaste, incroyable. La voiture est au milieu de la steppe entourée de ses trois tentes. Entre les reliefs des montagnes visibles au loin et les nuages assez bas, notre bonne étoile nous réserve un magnifique coucher de soleil, celui-ci réussissant à se frayer un chemin à travers les nuages. L’anniversaire de Marin finit de la plus belle des manières. Comme souvent depuis le début du voyage, le dîner se résume à nos achats du jour en supermarché. Pain, tomates, fromages, olives et autres. Face à nous, les steppes sont tellement vastes que nous pouvons très facilement apercevoir les traînées de pluie prenant notre direction. Le vent nous met d’autant plus la puce à l’oreille sur la tempête qui arrive. Après quelques passes de rugby et de volley, nous filons se mettre au chaud dans nos “chambres” respectives. Comme à Bartogay, tentes pour les gars, voiture pour moi. Marin a du réseau pour répondre aux différents appels pour son anniversaire avant d’éteindre la dernière lumière présente au cœur de cette steppe.



Chapitre 7 – Mardi 7 mai 2024
La nuit fut meilleure que ce qu’annonçait le ciel la veille. Beaucoup de vent, pas de pluie. Tant mieux pour les gars sous leurs tentes. Plier les tentes pleines d’humidité n’est jamais très agréable.
Cette fois-ci c’est la bonne, nous prenons la direction du Parc National Charyn Canyon. Nous continuons de grignoter nos provisions sur le capot de la voiture avant de reprendre la route. Les stocks, que nous ajustons tous les jours dans les supermarchés, semblent bien dimensionnés. Quelques minutes après avoir repris la route, nous en profitons pour s’arrêter boire un café sur le bas côté d’une route principale similaire à une Nationale en France. Une sorte d’Algeco au milieu des steppes faisant office de station-service, sans station-service, proposant du café, des snacks et nous mettant à disposition des toilettes. Le luxe pour certains qui ne cessent de c**** toutes les deux heures. N’est ce pas C… Après cette pause d’une quinzaine de minutes, il nous faut moins de vingt pour arriver au poste de garde que nous avons fréquenté il y a maintenant 48 heures avant de rebrousser chemin. Le droit de passage est toujours aussi ridicule, environ 5€ pour 4 personnes et le Duster. A peine le poste de garde passé, un grand parking nous attend. Il nous est impossible d’aller plus loin, la route s’arrête. Comme quoi, nous qui avions des craintes de ne pas avoir assez d’essence l’autre jour. Après avoir connu Altyn-Emel, ça change, d’autant plus que le nombre de voitures garées sur ce parking doit représenter le nombre total de voitures rencontrées jusque la. Et j’abuse à peine. Le tourisme existe donc dans ce pays. Pour confirmer nos dires, une boutique de souvenirs assez qualitative et un restaurant du même standing permettent d’offrir aux touristes un lieu de consommation occidental. Impressionnant après une semaine en immersion totale. Nous profitons de cette boutique afin de faire quelques emplettes. Marin en arrive jusqu’à se retrouver torse nu au milieu de la boutique afin d’essayer des teeshirts. Après quelques souvenirs achetés, un fight de boxe simulé entre Marin et un jeune Kazakh, une photo de groupe en mode boxeur avec ce même jeune garçon prise par sa maman, il est l’heure de redéposer nos achats dans la voiture avant de commencer notre randonnée. Nous rencontrons quelques problèmes de compréhension dans les différents chemins de randonnées. Comme quoi, le tourisme de masse sait très bien compliquer les choses. Le choix ne semble pas illimité, nous nous orientons vers un escalier qui nous descend dans le canyon afin de commencer notre marche. Le lieu est agréable mais les touristes, majoritairement scolaires, nous remettent clairement les pieds sur terre sur la définition du “tourisme”. Et encore, il est important de souligner que nous sommes très très loin du tourisme de masse que l’on peut connaître en Europe. Nous marchons donc sur une route de terre bien dessinée entourés de roches impressionnantes de couleurs orangées semblant sortir aléatoirement de terre. Nous progressons environ sur un faux plat descendant de 3 kilomètres jusqu’à arriver sur la rivière de Sharyn mettant un terme à notre itinéraire de randonnée. Qui dit point d’eau dit végétation. Nous en profitons pour prendre quelques photos tous ensemble sur un tronc d’arbre flirtant avec la rivière. Nous trempons également nos pieds dans l’eau afin de se “laver” un petit peu.
Malheureusement pour nous, le chemin de randonnée que nous avons emprunté se termine ici et aucun chemin ne permet de réaliser une boucle. Dans ce semblant de “tourisme de masse”, nous profitons d’une navette nous permettant de remonter sur nos pas, sans suffoquer sous la chaleur. Notre objectif en prenant ce camion est également de nous faire gagner du temps afin d’emprunter un nouvel itinéraire de “randonnée”. Au cœur de ce camion décapoté, nous faisons la rencontre d’un bien sympathique japonais réalisant un tour du monde en solitaire. Nous échangeons nos Instagram afin de suivre ses aventures et pour garder contact lors de son prochain passage en Europe. Après dix minutes de trajet, nous revoilà au sommet du Canyon, hotspot du tourisme Kazakh. L’autre itinéraire nous fait emprunter un chemin des plus simples et fréquentés afin de pouvoir observer le Canyon du dessus. L’endroit est certes fréquenté mais plaisant, loin des paysages que nous pouvons retrouver en France. Nous immortalisons le moment en prenant une photo tous les quatre grâce au trépied. En remontant en direction du parking, nous nous arrêtons au restaurant du Parc National afin de se remplir le ventre. Ce restaurant est notamment un des plus classes/européens que nous avons vu jusque là. Nous ne dérogeons pas aux précédentes règles, nous commandons près de deux plats par personne et beaucoup de boissons fraîches. Au cours de ce déjeuner, nous goûtons (enfin) le koumis, ce lait fermenté alcoolisé très présent dans les guides de voyage. Grâce à l’anglais de Marin nous nous retrouvons avec un “liter” de koumis et non une “little bottle”. Il y a de quoi se marrer jusqu’à la dégustation de ce breuvage des plus dégueulasses. Un galopin aurait sûrement suffit pour nous quatre. Nous en profitons pour passer la bouteille aux seuls touristes occidentaux que nous avons croisés jusque-là: trois Allemands. Il est temps de payer l’addition, le prix s’annonce abordable mais un peu plus cher que la moyenne du pays. C’était sans compter sur les talents de Marin. Envoyez un Marin payer et vous vous retrouverez à payer 12€00 pour 4 personnes pour 8 plats et 8 boissons. Entre nous, cela aurait dû coûter quelque chose comme 50€. Nous remercions donc le niveau d’anglais de Marin qui n’a clairement pas su se faire comprendre.
Les ceintures sont rattachées, notre tour des Parcs Nationaux à proximité de l’Est d’Almaty se termine, il est l’heure de se rapprocher du Kirghizistan. A quelques kilomètres de la frontière nous nous arrêtons à Kengen afin de faire quelques courses pour le soir et acheter de l’eau (l’eau au robinet n’est pas potable au Kazakhstan et Kirghizstan). Le supermarché ne prenant pas la carte bancaire, nous en profitons pour dépenser nos derniers tenges. Plus nous nous rapprochons du Kirghizstan, plus les paysages verdissent avec, au loin, de hautes et belles montagnes enneigées de plus de 4000 m. Une petit averse se joint à nous juste avant de passer la frontière. Entre nous, cela n’aura pas fait de mal à la voiture vu l’accumulation de poussière sur la carrosserie. Nous arrivons à la frontière. L’ambiance est spéciale. Des barbelés séparent les deux pays sur des dizaines de kilomètres. Nous connaissons peu le contexte politique entre ces deux pays, je ne pense pas qu’il soit très tendu, toutefois, nous oublions souvent les avantages de notre bel espace Schengen. Près de vingt minutes à attendre jusqu’au contrôle des passeports. La voiture est stationnée, le passeport de nous quatre checké. Une fois le contrôle d’identité réalisé, les passagers de la voiture sont amenés à partir à pied au prochain poste douanier (le Kirghiz) tandis que le conducteur se doit de rester avec les douaniers afin de contrôler TOUTE la voiture. La fouille est globale, le capot se doit d’être ouvert, tous les sacs sont inspectés et contrôlés comme dans un aéroport. L’enfer de devoir faire ça seul. Décharger, porter, charger à nouveau les sacs. Comment dire. Les douaniers restent agréables, ils sont toujours autant étonnés de voir des Occidentaux, chose qui les rend fort sympathique. Une fois la voiture à nouveau chargée, direction le second poste douanier afin de me faire tamponner mon entrée au Kirghizstan dans mon passeport. Cela doit faire vingt minutes que les gars m’attendent. Bilan de cette expérience: ça y est, nous sommes au Kirghizstan.
Une belle route de m** nous accueille, pour changer. Elle semble être sur le point d’être refaite. Naïvement, nous pensons donc qu’il ne s’agit que d’une portion. Détrompez-vous, elle nous suivra jusqu’à la fin de la journée.
Ce que nous voyons confirme mes précédents dires. Le pays est très vert, encore plus avec la météo qui nous accueille avec un soleil des grands jours. Les paysages ont complètement changé en l’espace de quelques kilomètres entre l’aridité du Kazakhstan et la verdure du Kirghizstan. Toutefois, ce qui ne change pas, ce sont les hauts sommets que nous apercevons constamment en arrière-plan. Nous nous arrêtons fréquemment prendre des photos. Nous sommes dans l’épanouissement. A suivre Google Maps, nous nous engageons à un moment sur une route des plus bancales, encore pire que ce que nous avons rencontré jusque-là. Pourtant, cela semble être indiqué comme un axe “principal” sur Maps. On commence à avoir l’habitude, certes, mais celle-ci est bien pourrie. Une voiture russe nous suit et galère tout comme nous. Sur ces quelques kilomètres, nous croisons un grand nombre de bergers à dos de cheval. C’est agréable car toutes les personnes que nous croisons semblent heureux de nous voir. Ils nous disent bonjour, nous serrent la main. Depuis notre arrivée au Kirghizstan, notre objectif est de rejoindre la vallée de Jyrgalan et d’y bivouaquer. Nous y arrivons aux alentours de 17h30. Bien que la vallée soit magnifique, nous avons quelques problématiques à identifier un spot de bivouac sec et pas trop bruyant. Contrairement au Kazakhstan, l’atmosphère est plus humide. Nous sommes en plus haute altitude. Il fait plus froid. En parallèle, ce bivouac a pour vocation d’être notre deuxième consécutif. L’hygiène et la fatigue commencent à se faire ressentir. Après une concertation commune à base de “je ne sais pas”, “on fait ce que vous voulez”, nous accélérons officiellement l’idée de trouver un AirBnB/hôtel où dormir. Une tentative, un échec, une seconde, idem. La troisième aura été la bonne. En se basant sur Google Maps, nous nous sommes dirigés vers une des guesthouse semblant être disponible. Après avoir aperçu un homme, ne parlant pas anglais bien sur, celui-ci nous redirige vers sa femme semblant être la chargée du business. Elle accepte donc avec plaisir de nous loger dans sa lodge pour 100 dollars, à condition de lui laisser une heure pour faire le ménage. Nous sommes les seuls hôtes ce soir-là. Entre nous, nous avons surtout la sensation de déloger cette famille résidant actuellement dans ce qui semble être notre logement pour ce soir. Pendant ce temps de ménage, nous en profitons pour jouer au rugby et au foot dans leur jardin. C’est avec plaisir que nous convions le fils de l’hôte et un de ses amis à jouer avec nous. Amoureux du sport que nous sommes, ce moment est pour nous inoubliable de pouvoir jouer et partager un moment avec de jeunes kirghizes, d’autant plus en leur “apprenant” ce qu’est un ballon de rugby. Après un petit quart d’heure de passes, un des jeunes kirghize âgé de 5 ans, nous invite à le suivre. La surprise est au rendez-vous. En se faufilant à travers les grillages de deux maisons, celui-ci nous emmène sur le city stade du village. La soirée prend donc une toute autre tournure, génial. Comme un maestro, le jeune kirghize n’arrête pas de nous surprendre en activant l’interrupteur général du stade afin d’allumer tous les projecteurs. Entre du foot et des passes de rugby, ce sont ensuite deux jeunes filles de 13 ans et un groupe d’adultes qui finiront par se joindre à nous. Le moment est unique, le plaisir est immense. Ce même plaisir durera environ deux bonnes heures, jusqu’à ce que la faim et le froid nous rattrape. La fenêtre de la cuisine de notre hôte donnant sur le city-stade, nous nous faisons gentiment proposer le dîner, chose que nous acceptons. En quittant le city-stade une bonne demi-heure avant les gars, je profite de ce temps pour discuter avec notre hôte. Des conversations riches en enseignement sur le tourisme, développement de la station de ski, son business à elle, le Kirghizistan et j’en passe. Le dîner proposé est bon. Le moment est agréable et reposant. Une fois sorti de table, nous en profitons (enfin) pour aller se doucher et se coucher. Tout le monde sauf Marin et Christian qui profiteront de cette première nuit Kirghiz afin d’aller observer les étoiles jusqu’aux environs d’1h00. Le moment était apparemment magique.



Chapitre 8 – Mercredi 8 mai 2024
Une bonne literie dans un vrai lit, pas de trace de cafards, nous avons touché au “luxe” cette nuit. En revanche, la qualité de mon sommeil n’aura pas été à la hauteur de ce confort en raison d’un rhume dont je ne vois pas la fin. Il est 06h30 quand je me lève. Personne n’est encore levé. Encore moins Marin et Christian que j’ai aperçu dans la salle de bain aux alentours d’une 01h00 du matin. Je me prépare un café soluble en essayant de faire le moins de bruit possible dans le but de soulager ma gorge. Je prends mon temps, le logement est calme. Vêtu des (presque) mêmes vêtements depuis une semaine, je chausse mes chaussures afin d’aller me balader dans les environs. Il est environ 07h30 quand j’ouvre la porte de la lodge. Le jour est levé depuis deux heures déjà. A peine sorti du logement, un jeune écolier d’environ cinq ans me salue avec un grand sourire, apparemment très heureux de me voir. Je partage avec lui ce sourire sincère. Je prends la direction du Nord du village où j’ai identifié un court et sympa itinéraire sur Komoot.
Je déambule dans les rues de Jyrgalan. Le village est similaire à un village Alpin de moyenne altitude, présent au bout d’une vallée boisée mais assez dégagée permettant d’admirer les sommets enneigés. Le village n’en reste néanmoins agricole, les odeurs de bétail sont fortes, comme tous les villages dans lesquels nous sommes passés jusque-là. J’ai l’occasion de croiser lors de mon excursion, un grand nombre de troupeaux de vaches accompagnés par leurs bergers à dos de cheval. Après deux cents mètres de dénivelé m’ayant permis de prendre un peu de hauteur, j’atteins un plateau me donnant accès à une vue à 360°C sur les sommets environnant la vallée. Il est tôt, je suis une fois de plus seul dans cette immensité. Je suis au Kirghizistan. En rentrant à l’appartement les gars se réveillent tranquillement, Marin et Christian racontent leur sortie étoilée de la veille. Nous nous douchons puis prenons place en salle afin de manger notre petit déjeuner. Œufs et porridge au menu, comme souvent depuis notre arrivée (quand nous ne mangeons pas sur le capot de la voiture). L’hôte est toujours aussi agréable et gentille avec nous. Le moment est de qualité. Passé le petit déjeuner, je m’octroie une sieste après ma courte nuit tandis que les gars s’en vont se promener. A mon réveil, environ une heure et demie après leur départ, seul Marin est de retour. Nous en profitons pour discuter au soleil en attendant le retour des gars. Il est environ 11h quand nous quittons le village et la vallée de Jyrgalan. Direction maintenant la ville de Karakol, quatrième plus grande ville du Kirghizistan, hotspot du tourisme outdoor Kirghize. Nous avons notamment réservé à proximité de cette ville un AirBnB pour trois nuits, une yourte. Arrivés à Karakol aux environs de 12h30, nous filons directement vers un restaurant que nous a conseillé notre hôte de la veille. Restaurant “branché”, avec une carte longue comme le bras permettant de répondre aux attentes de nos estomacs. Tous les plats sont commandés, ce qui est dans l’assiette n’est pas mauvais et à la hauteur de nos attentes. Le Kirghizistan étant encore moins cher que le Kazakhstan, notre déjeuner nous revient aux environs de 40 euros pour quatre. A une poignée de kilomètres du restaurant, nous profitons d’être en “ville” afin de retirer du cash et aller chercher quelques informations auprès de l’office du tourisme. Porte close, impeccable. Deuxième tentative auprès d’une agence de voyage qui ressemble plus à une boîte aux lettres administrative en lien avec les Panama Papers. Par chance, nous croisons la voiture d’un des guides qui nous prend le temps de répondre à certaines de nos questions.
Il est environ 15h30 dans la chaleur pleine de poussière de Karakol. A quelques kilomètres d’ici, le lac Issyk-Koul (Iessik ou encore Ysyk-Köl) nous fait de l’œil. Comparable à une mer, cette étendue d’eau a d’une superficie douze fois supérieure au Lac Léman. Les gars souhaitent passer un peu de temps à chiller là- bas, à l’extrémité Sud-Est du Lac. En moins de vingt minutes nous atteignons une plage. Celle que nous choisissons, la plus proche de Karakol, est loin d’être la plus sympa et romantique. Malgré tout, ça serait être rabat-joie de dire que l’endroit n’est pas pour autant sympa, d’autant plus avec les montagnes environnantes. La plage est occupée en nombre par de jeunes lycéens, entre discussions sous les arbres pour les filles et jeux de ballons pour les garçons. Pour notre part, c’est tirs de penaltys. C’est un changement de décor radical pour nous après une semaine dans l’aridité du Kazakhstan, entre désert et canyons. Depuis le début de ce voyage, nous sommes amusés par l’attirance que semble nous porter les jeunes (ou pas) femmes Kazakh ou Kirghiz à notre égard. Cette heure à la plage est très représentative. D’un regard très appuyé jusqu’au fait de “poser” pour nous charmer, nous en voilà presque gênés. L’heure de rejoindre notre AirBnB approche, celui-ci étant situé au Sud-Est de Karakol, dans le Parc National. Qui dit Parc National dit garde, dit droit de passage. Cinq minutes nous suffisent ensuite afin d’atteindre notre yourte. L’endroit est sympa de part la nature et les paysages montagneux. En parallèle, nous constatons que le lieu est en plein développement, de nombreuses yourtes sont en construction. Le lieu possède également sa propre ferme avec plusieurs vaches en vadrouille dans la propriété. Charmant, nous sommes en pleine immersion. Les toilettes accessibles dans un Algeco sont simples, propres et efficaces. La douche, quant à elle, est comparable à une douche d’été cachée par de grandes bâches jaunes où un raccordement électrique a été créé afin de permettre un accès à l’eau chaude. C’est rustre mais ce n’est pas à nous en déplaire. Une fois les bagages déposés dans la yourte, nous nous faisons gentiment offrir le thé (pas un mal pour ma gorge). Ce thé nous permet aussi de discuter avec l’hôte et cibler ce que nous pouvons faire les deux prochains jours. Les Hot Springs et le Lac Ala Kul ressortent à de nombreuses reprises, toutefois, des incertitudes existent concernant l’enneigement dans la montée à Ala Kul étant donné que le lac est situé à 3 552m. Quelques minutes plus tard, le dîner nous est servi, des mantis bien copieux sont au menu. Nous ne faisons pas long feu après le dîner, nous prenons place dans nos futons disposés dans la yourte.


Chapitre 9 – Jeudi 9 mai 2024
Pas de réveil ce matin, les bâches de la yourt auront permis de retarder les lumières du jour jusqu’à nos yeux. Il n’a pas fait très chaud étant donné qu’il n’y a pas de chauffage et que nous sommes proches des 2 000m d’altitude. Nous avons pu nous en sortir confortablement avec les couvertures et les duvets, et puis entre nous, nous sommes habitués depuis le début du séjour. Les futons sur lesquels nous dormons sont vraiment synonymes de luxe comparés à nos pauvres matelas de bivouac. La fatigue a pris le pas sur quelques bonnes volontés, à commencer par Marin qui a tenté de se lever pour le lever de soleil. Le petit déjeuner est servi à 09h00, comme nous l’avions demandé la veille. Des œufs, des oranges, des bananes, du pain, de la confiture et du thé embellissent la table. Au retour du voyage, nous ne pourrons pas dire à nos proches que étions morts de faim. Nous retrouvons ce matin-là le fils de l’hôte, jeune Kirghiz de 13 ans, seul membre de la famille parlant anglais. Nous prenons du plaisir à échanger avec lui, il n’est pas le garçon le plus souriant que nous avons eu l’occasion de rencontrer mais il est au combien serviable, à nos petits soins et modeste. Il nous apprend au cours de ce petit déjeuner qu’il est guide de (haute) montagne l’été et qu’il lui arrive d’emmener des gens au lac Ala Kul (Ala Köl selon les langues). Impressionnant pour son âge. Cela nous intéresse car cette randonnée sera au menu de notre journée de demain. Après avoir avalé notre petit déjeuner, nous avons pour objectif de reconnaître la route pour demain. Le jeune Kirghiz nous a déjà prévenu qu’avec notre Duster nous ne devrions pas aller bien loin. La route que nous empruntons confirme ses paroles, toutefois, bien que nous n’avançons pas bien vite, le Duster avance, et plutôt bien. Arrivé dans un pâturage, nous statuons que nous ne pourrons guère aller plus loin demain au vue de l’état de la route. Nous avons parcouru environ 8 km pour approximativement la même distance avant d’atteindre le point de départ officiel de la randonnée. Selon les estimations de Christian via Komoot, la randonnée devrait avoisiner les 30 km, rien que ça. L’information n’enchante pas grand monde, tout en restant positif sur notre capacité à y arriver. Nous profitons d’être stationné au milieu de la montagne pour observer les différents reliefs et profiter du calme de la vallée. La météo sort le grand jeu depuis le début du voyage et les paysages sont si verts. Face à nous, un berger à dos de cheval maîtrise son troupeaux de vaches. Quand cet apaisement touche à sa fin, nous rebroussons chemin avec notre Duster. Notre volonté maintenant est de rejoindre dans la une vallée parallèle à la notre les “Hot Springs”, source chaude naturelle présentes en pleine montagne. Qui dit parallèle à la nôtre dit : devoir redescendre toute la vallée jusqu’à Karakol afin d’en emprunter une autre. Arrivés à Karakol, nous constatons un moment de fête en centre-ville et tout particulièrement dans un parc. Le 9 mai, tout comme en France, semble être férié au Kirghizistan. Nous ne savons guère ce qu’ils célèbrent, peut être la même chose que nous, mais les jeux pour enfants et les machines à glaces sont de sorties dans le parc. Nous prenons quelques minutes pour s’immerger dans cette célébration locale, manger une glace (en offrir une à un enfant n’ayant pas assez de monnaie). Grand artilleur qu’il est, Marin en profite pour trouer des ballons à coups de fléchettes, 4/6, peut mieux faire.
Il nous faut environ vingt minutes depuis Karakol afin d’entrer dans la vallée des Hot Springs. Pas de droit de passage aujourd’hui pour cette vallée, juste une route impraticable en Duster qui nous oblige à rapidement nous arrêter. Nous croisons deux touristes revenant tout juste de leur bivouac aux Hot Springs. L’information est passée, 28 km aller-retour pour rejoindre le lieu. Bien que le dénivelé ne soit pas impressionnant, la distance nous semble beaucoup trop importante au vue de notre heure d’arrivée et de nos plans du lendemain. Prêtons nous au jeu de marcher jusqu’à ce que la fatigue monte puis rebroussons chemin. Le Duster garé en biais sur un talus, nous commençons notre marche dans la vallée sans prétention, jusqu’à être stoppé net deux kilomètres plus tard. Comme nous nous en amusons beaucoup depuis le début de séjour, il s’agit d’un nouveau “traffic jam” lié à un troupeau de moutons. Le sentier n’étant pas bien large et le troupeau très conséquent, nous sommes bloqués et contraint d’aller au rythme des moutons. Trois bergers à dos de cheval tentent de contrôler tout ce beau monde. Etant donné qu’une rivière longe la vallée, plusieurs moutons s’y arrêtent naturellement boire. La scène en devient des plus désolante quand un, deux puis trois agneaux se jettent à l’eau pour se rafraîchir, sans avoir notion de la puissance du courant de la rivière. Les bergers auront tachés de faire le nécessaire pour les sauver, toutefois, seul un semble avoir été secouru, les deux autres emportés jusqu’à une destination inconnue, sans parler de celle de la mort. Cette scène restera comme une marquante du voyage, passant de l’épanouissement de marcher au milieu des moutons, jusqu’à la “tragédie” de voir plusieurs agneaux se noyer.
Nous réussissons finalement à nous frayer un chemin parmi le troupeau. La vallée est agréable, elle reste néanmoins cloisonnée par les montagnes. Après sept kilomètres, nous arrivons à un point d’étape du trek commençant de notre zone de stationnement jusqu’à Karakol. Il s’agit d’un trek conseillé sur trois jours permettant de relier les Hot Springs, le Lac Ala Kul, la Vallée où nous dormons jusqu’à Karakol. Sans vouloir faire les kilomètres de trop, nous décidons de nous arrêter là. Des tables de pique nique confectionnées en bois sont à l’ombre dans un sous-bois. Pas un mal vu le soleil. Nous sortons nos tomates, fromage et pain afin de nous faire nos sandwichs. Cette “zone de pique-nique” a été construite juste au-dessus d’un ruisseau. Entre l’humidité de ce ruisseau, l’ombre et une légère brise, les températures chutent rapidement jusqu’à remettre un pull. A l’image de ce que nous voyons beaucoup depuis le début du séjour, le ruisseau est malheureusement couvert de déchets plastiques bloqués par les rochers et les quelques bouts de bois. Cette scène est à l’image des Parcs Nationaux Kirghiz et Kazakh. Pour nous, européens, ces gestes semblent naturels. Pour des touristes moins habitués à ces notions de “pollution”, les informations sont mal renseignées aux entrées des Parcs, sans oublier les touristes étant mal éduqués/sensibilisés aux ravages des différentes pollutions. Peu importe l’altitude et la difficulté du terrain, nos yeux n’auront pas été épargnés par l’amas de déchets à certains endroits. Le chemin face à la pollution plastique et au réchauffement climatique sera long. Si ce n’est sans fin.
Le déjeuner ingurgité, un bon quart d’heure n’est pas de trop afin de s’allonger dans l’herbe, face au soleil, dans le silence. Le chemin du retour ne sera qu’une balade de santé, avec un faux plat descendant pas bien virulent. Christian et moi en tête du cortège, nous discutons de tout et de rien. Jules et Marin en font de même quelques centaines de mètres derrière. Prenant exactement le même itinéraire qu’à l’aller, je dépose les gars à un supermarché de Karakol afin de faire le plein de sucre pour la randonnée de demain. Dans le même temps, je m’occupe de faire le plein de la voiture avant de les récupérer. Il est aux environs de 16h30 quand nous arrivons à la yourt. Il semblerait que nous ne soyons plus les seuls voyageurs des yourts. Nous avons environ deux heures et demie devant nous afin de prendre le thé et le goûter offerts par les hôtes, se reposer, passer aux toilettes, se doucher. Je profite de ce temps pour réaliser des interviews des gars que je souhaite intégrer à ma vidéo du voyage. Nous passons à table aux environs de 20h00 en compagnie de trois anglais venant de Bristol. Leur accent, les clichés anglais resteront un des running gags de ce voyage tellement il était compliqué de les comprendre, tellement nous avons appris que Paris-Roubaix était à côté de Lyon, ou encore sur leur définition assez particulière du voyage. Bref, au-delà du côté dérisoire de cette rencontre, ce sont malgré tout des rencontres uniques que nous nous remémorerons pour un long moment. Le dîner est dorénavant terminé, le réveil est prévu à 04h45 le lendemain. Personne ne fait long feu, je pars rapidement me brosser les dents puis me coucher afin de pouvoir être en forme pour demain.



Chapitre 10 – Vendredi 10 mai 2024
La nuit est mauvaise, mon sommeil léger, toujours le nez bouché, la gorge prise. Il est 04h45 quand le réveil sonne. Le son est terriblement faible, heureusement que je ne dors que très peu afin de l’entendre. D’autant plus que notre hôte a accepté de nous préparer notre petit déjeuner pour 05h00 du matin. Si nous n’avions pas entendu le réveil, cela aurait été irrespectueux pour elle. Le destin aura été de passer une mauvaise nuit.
Des œufs, du pain, de la confiture, comme d’habitude. Mais c’est bon et ça remplit le ventre. Nous partons de notre yourt aux alentours de 06h00 du matin. Le soleil est déjà levé depuis une petite heure. Ici, comme au Kazakhstan, il ne change pas d’heure entre l’été et l’hiver. La route, comme elle l’a été reconnue hier, est sinueuse, ça secoue dur après être réveillé depuis une bonne heure. Nous atteignons le point identifié la veille. Nous arrivons même à avancer de… 200m supplémentaire. C’est toujours du dénivelé en moins. La voiture est garée dans un champ, bien inclinée face à la route à la rivière en contrebas. Nos sacs sont plutôt légers, nos yeux mal réveillés, il est malgré tout l’heure d’attaquer. Nous commençons par 8km de marche sur la route que nous aurions pu prendre si notre Duster nous le permettait. Afin d’emprunter cette route, nous sommes délibérément sur un autre level de 4×4. Après 5 km de marche sur un très léger faux plat montant, nous arrivons sur une sorte de Delta nommé Sussy ou la rivière se sépare en différents bras. La vallée s’écarte, la vue sur les sommets est magnifique. Nous en profitons pour faire une petite pause afin de prendre des photos, sortir le drone, grignoter une barre, boire un coup d’eau et repartir. 3 km de plat nous attendent encore avant d’attaquer la réelle montée. Notre groupe de 4 se sépare petit à petit, nous pouvons nous voir a des centaines de mètres, nous n’avons pas tous le même rythme. Sans parler de rythme, certains prennent plus de temps afin de profiter des paysages, d’autres, comme moi, enchaînent les kilomètres. Les 8 km de plat terminés après environ 1h40 de marche, nous arrivons face à une passerelle de singe/himalayenne qui nous met dans l’ambiance et qui acte le fait que la vraie randonnée commence, celle avec du D+. Le terrain est similaire à ce que nous pouvons retrouver en France, toutefois, la partie de forêts s’élèvent beaucoup plus haut qu’en Europe. Ici, les arbres s’arrêtent aux environs de 3 000 m contrairement en Europe ou il est plus question de 2 000 m. Le groupe se scinde logiquement dans la montée. La notion de “rythme” perd de sa valeur, notre objectif commun est d’arriver à Ala-Kul, même si les derniers se voient arriver 30 minutes à 1 heure après. Après un gros passage de forêt qui nous fait gagner près de 400m de D+, un campement est présent sur la route avec quelques yourts en mauvais état et entouré de déchets. Navrant mais la sensibilisation à la pollution en montagne ici ne semble pas exister à travers tout ce que nous avons vu jusque là. Nous arrivons les premiers avec Christian. Jules et Marin arrivent 15 minutes après nous. On se pose sur des rondins faisant office de banc au cœur du campement. De grandes falaises très enclavées nous entourent, il n’y a clairement personne. Le camp est abandonné à cette saison. Nous repartons quelques minutes après, nous commençons à distinguer notre objectif. Le lac Ala-Kul et ses 3 552 m d’altitude. Sur la dernière partie de plat, nous croisons finalement un groupe de 4 personnes sur un autre endroit aménagé pour manger. Quatre personnes au visage européen ou bien russe, nous ne savons pas et ils ne semblaient pas forcément vouloir trop bavarder avec nous. Nous continuons. Le dur commence. Nous sommes aux environs de 3 000 m d’altitude, pour ma part, l’altitude et mon rhume des derniers jours ne m’aident pas. Malgré tout, je ne me trouve pas d’excuse, Christian me met clairement la pilule dans l’ascension finale. Ses milliers de kilomètres à vélo depuis le début de l’année l’ont mis dans une forme olympique. En contre bas, Marin et Jules avancent à leur rythme, ensemble. Près de 500 m devant eux pour quelques 200m de D+ au-dessus d’eux, nous ne savons guère s’ils vont décider de monter jusqu’au lac, ou non. En tout cas, ils avancent. Pour ma part, je m’arrête quelques secondes tous les 50m, j’en chie. Le dénivelé est vraiment abrupt lors du dernier kilomètre. La neige pointe le bout de son nez environ 500m avant l’arrivée. Par “neige”, je parle de gros névés qui nous ralentissent sachant que nous nous enfonçons après chaque pas. Christian tel un chamois (le vrai chamois de cette ascension) semble facile. Dans la dernière montée, nous nous rejoignons dans le but d’identifier le chemin le plus safe afin d’éviter la neige et la glace. Il est environ 11h30 quand nous arrivons au lac. Celui- ci est en cours de dégel. Des sommets de plus de 4000m l’entourent. Nous sommes une fois de plus seuls, le paysage est saisissant de beauté, de calme. Ce mix hiver/été dégelé est magnifique. Bien qu’il soit gelé, nous distinguons très bien les courbes du lac. Nous sommes officiellement au beau milieu du Kirghizstan à 3 552m et il fait là-haut, très froid. Le vent nous glace le visage et les mains. Nous avons eu très chaud toute la montée (il faisait très chaud), toutefois, arrivés sur ce haut plateau, le vent soufflait froid. Nous espérons avec Christian voir rapidement arriver les gars afin de se projeter sur le temps restant au lac. 20minutes après notre arrivée, c’est Jules, puis enfin Marin qui pointent le bout de son nez. Nous sommes trop contents qu’ils aient réussis. Ils le sont également. Nous immortalisons bien évidemment le moment en prenant des photos individuelles et de groupe grâce à mon trépied. Je prends quelques secondes également pour sortir mon drone et capter au moins une vidéo du lieu. Le vent me ramène vite à la raison, je me dois de partir pour que mon corps remonte en température.
Après quelques minutes, tous les 4, face à ce monstre d’eau et de glace, Jules, Christian et moi prenons la décision de descendre. Les gants sont sortis, les vestes également. Nous avons trop froid. Quant à lui, Marin décide de rester quelques minutes de plus afin de kiffer. Il a raison. Nous descendons quelques mètres, d’un coup, nous avons très rapidement chaud. Après 5 minutes de descente, nous voyons apparaître une sorte de ninja européen vêtu d’une cagoule, c’est Marin dans un style encore une fois remarquable. Le style est là y’ a rien à dire mais on s’est bien marré. La descente suit son cours jusqu’au camp de base, Jules enchaîne bien, Christian de même. Nous avons hâte d’être rentrés, si ce n’est juste d’attaquer les 8 km de plat. La descente n’est JAMAIS une partie de plaisir. Surtout après autant d’efforts. Nous arrivons les premiers au camp de base avec Christian et Jules. J’en ai personnellement plein les pattes, ou plutôt plein la tête. Il fait chaud, la nuit a été courte, l’effort intense. La pause n’est pas de refus. Nous grignotons nos barres chocolatées et l’eau que nous avons. Nos gourdes se sont bien vidées dans la montée, au début de la descente nous avons pris le temps de puiser l’eau du ruisseau et la filtrer grâce à nos gourdes filtrantes. Marin arrive une bonne dizaine de minutes après nous au camp (celui où nous avions croisé les quatre autres personnes). Son cerveau lui a également fait faire n’importe quoi au cours de la première partie de la descente. Il a failli tomber à plusieurs reprises. Scène incroyable deux minutes après son arrivée, un énorme sapin situé à 100m de nous s’est mis à tomber, seul, sans l’intervention de qui que ce soit. Clairement, à 2 minutes près, ce sapin serait tombé sur la tête de Marin. Impressionnant. Dix minutes passèrent tous les 4, nous repartîmes. Je réalise pour ma part le reste de la descente jusqu’à la passerelle himalayenne seul, à mon rythme, afin de torcher ça le plus rapidement possible. J’insiste mais il fait toujours chaud. Le passerelle passée, j’attends près de 30 minutes les gars, le temps étant tellement long que mon inquiétude grandit après tout ce temps. Christian et Jules sont les premiers arrivés. Marin, à son rythme et complètement cuit, nous rejoint plusieurs minutes après. Cette dernière pause à l’ombre nous aura ensuite permis de dérouler les huit derniers kilomètres scindés en deux groupes. Christian et moi sommes les premiers arrivés à la voiture. Le Duster est bien présent, chose pas forcément évidente après avoir douté toute la randonnée sur le fait d’avoir enclenché le frein à main (ou non). Ouf. Jules et Marin, vingt minutes plus tard, nous rejoignent. Nous avons réussi. Tout le monde a réussi. 27,5km pour 1450m de D+, l’effort à été intense. Le retour en voiture se passe bien, nous arrivons à la yourt aux alentours de 16h30 lessivés et soulagés d’avoir du temps pour nous. Nous profitons de ce temps pour nous doucher, boire le thé dans la yourt, se reposer. Je prends également le temps de me raser à l’arrache, face au seul miroir du camp, muni d’un verre d’eau en carton afin de rincer mon rasoir. Rustre mais souvenir pour la vie. En parallèle de mon rasage, le camp se remplit, trois filles russes de nos âges viennent d’arriver sur le camp. Après mon rasage, je demande aux gars de les interviewer afin de créer du contenu pour ma future vidéo, tout le monde se prête au jeu, c’est cool. Nous sommes propres, les sacs presque fait pour le lendemain sachant qu’il s’agit de notre dernier jour. Nous passons à table à 20h00. L’hôte nous offre un chapeau typique kirghize pour nous remercier d’être de bons hôtes. Très gentil. Il prend une photo avec nous pour immortaliser le moment. Après cette photo, la table se remplit de… ces fameuses russes. Nous n’avons pas choisi. Leur niveau d’anglais est proche de zéro, sauf une arrive à nous comprendre. L’hôte, apparemment en admiration face aux russes, prend un long moment à converser avec elles jusqu’à nous sortir avec un anglais approximatif “russian girls beautiful”. OK, gênant. Il nous prend en photo avec elles. Gênant. Le repas se passe, elles ne comprennent pas notre français, nous ne comprenons pas leur russe. Le repas se déroule malgré tout très bien. Nous mangeons encore une fois bien. Lhote nous offre des shots de vodka kirghize au cours du repas. Dur. A la suite du repas, la russe parlant le mieux anglais pointe du doigt le jeu Jenga. OK, nous acceptons, cela reste des moments uniques dans un voyage de pouvoir jouer et passer du temps avec des nationalités que nous ne croisons que très rarement en France. Le moment est agréable bien qu’une des russe semble en quelque sorte attiré par nous quatre, et en particulier Christian assis juste à côté d’elle. C’est flagrant, amusant, presque gênant. Au cours de ce jeu, nous conversons grâce à Google Traduction qui est notre seul moyen de discuter un minimum avec elles. Avec trois parties, dont deux défaites pour l’équipe française, une pour l’équipe russe et aucune pour l’allemand solitaire, nous partons nous brosser les dents et nous coucher. Il est prêt de 23h00 et nous sommes cuits après notre nuit de la veille et notre ascension de la journée. Comme toujours au cours de ce voyage, Christian passe une demi-heure aux toilettes, nous nous brossons les dents puis nous éteignons les lumières. La journée a été intense, intense en effort, moments marquants, moments de partage.


Chapitre 11 – Samedi 11 mai 2024
Dernier réveil dans notre yourt de Karakol. Nous prenons le temps. Nous ne sommes vraiment pas pressés. Bien que nous ayons le temps, considérons que les grasses matinées ne sont pas pour autant au rendez-vous. Entre décalage horaire et lever du jour à 04h30, notre corps et nos yeux nous disent rapidement “debout”. La météo est étrange ce matin. Il semble faire beau mais un brouillard pesant permet à peine de distinguer les montagnes. Nous passons au petit déjeuner dans l’Algeco où nous avons passé tous nos repas jusque-là. Ce matin-là, rien à signaler. Troisième réveil, troisième petit-déjeuner, nous rentrerions presque dans une routine. Le départ est proche, je remplis ma gourde avant de serrer la main à Azamat, notre hôte, et remercier chaleureusement sa femme pour leur incroyable accueil. Le cadeau offert hier a montré un certain respect de nous avoir accueilli, les “au revoir” confirment leur plaisir. Les sacs chargés dans la voiture, Jules ne perd pas son rôle de “Portail Manager” afin que la voiture puisse sortir du camp. Ça y est, nous sortons officiellement du Parc National de Karakol et personne ne peut prévoir si nous remettrons un pied ici un jour. Premier arrêt de la journée : Karakol, afin de trouver quelques souvenirs pour nos familles. Enfin, la toute première halte se résume à un supermarché Globus pour faire nos provisions pour la journée. Ensuite, c’est Marin qui nous guide, lui qui a spotté différentes boutiques de “souvenirs” dans le même “quartier”. Le premier arrêt concerne une boutique très qualitative de souvenirs Kirghiz avec nourriture, huiles essentielles, habits, etc. Une des boutiques les plus soignées que nous avons vu jusque là. Les prix, bien que attractifs, restent quand même assez chers pour le Kirghizstan. Jules et Marin ne sortent pas les mains vides. Les prochains arrêts se résument à deux boutiques de vêtements, très glauques. Nos arrêts dans ces boutiques sont très rapides. La seule chose que nous trouvons est une casquette. Le précieux sésame est pour moi, Christian me l’ayant très gentiment “laissé”. Geste apprécié. Le tour du quartier est fait, entre kiosques à nourriture, boutiques de contrefaçon à gogo, nous pouvons officiellement dire que nous avons fait le tour de “l’hypercentre” de Karakol. Passage à la station service afin de s’assurer de pouvoir traverser le Lac Issyk-Koul sans frayeur puis retour au restaurant où nous avions mangé le premier jour arrivé à Karakol. Qualitatif, cheap, et joli. Cette journée est en quelque sorte une journée tampon. Notre objectif est de se rapprocher le plus possible de la frontière Kazakh où nous souhaitons trouver un spot de bivouac. Nous prenons donc notre temps à table, nous ne chômons pas sur les aller/retour aux toilettes étant donné que celles-ci sont tout ce qu’il y a de plus européen: de vraies toilettes, propres, sans odeur.
Nous payons l’addition aux environs de 12h30. Peu excessive, comme d’habitude. N’ayant pas de réseau et ni accès au Wi-Fi du restaurant, Christian nous demande de faire une nouvelle halte à la station-service afin de bénéficier du Wi-Fi pour contractualiser une nouvelle esim locale via HolaFly. Tout ne semble pas se dérouler comme souhaité. Après une bonne demi-heure, nous repartons avec un Christian contrarié. Près de trois cents kilomètres nous attendent sur la route au Nord du Lac Issyk-Koul. Je ne sais plus si je l’ai mentionné dans un précédent chapitre mais ce lac fait 12 fois la superficie du Lac Léman. L’itinéraire du Nord n’était pas notre premier souhait. Après avoir échangé avec un grand nombre de personnes, beaucoup nous ont alertés sur le côté pittoresque de la route du Sud. Étant donné notre fatigue, notre sentiment d’avoir déjà beaucoup profité des paysages et notre ras le bol des routes pourries, nous avons donc pris le chemin de la facilité. Le trajet se passe sans encombre. La route est bonne, plusieurs portions à deux fois deux voies. Nous rencontrons beaucoup de policiers avec des radars mobiles, près de cinq sur une portion inférieure de cent kilomètres. A mi-chemin, à 150 kilomètres de Karakol et je ne saurais dire combien de temps après notre départ de la yourt, nous apercevons un Renault Duster Blanc nous paraissant familier. Il s’avère que ce Duster héberge nos fameuses “amies” russes d’hier, celles avec qui nous avons partagé le dîner et joué au Jenga. Amusant tellement nous avons réalisé de choses depuis notre départ de la yourt. Après quelques chassés croisés sur trente kilomètres, nos chemins se séparent. Juste après la ville de Tcholponata, j’ai identifié une route sans issue, se dirigeant vers le Nord, montant à plus de 3000m d’altitude. Etant donné que nous avons le temps, nous décidons de tenter notre chance et voir jusqu’où cette route de piètre qualité peut nous mener. Après une sortie loupée nous ayant dirigé vers une carrière puis quelques kilomètres sur la bonne route, nous prenons la décision de rapidement faire chemin inverse tellement la fatigue et les vibrations ont pris le pas sur notre motivation d’aventurier. A l’extrémité Ouest du Lac Issyk-Koul, nous arrivons à Balyktchy après deux bonnes heures de route. L’atmosphère est particulière. Nous l’expliquons par la météo pesante, nuageuse et très venteuse, et par l’architecture et l’ambiance de la ville, passagère et de taille moyenne mais sans vie. Seul réel lieu de vie qui attise notre curiosité: un Spar, première enseigne de supermarché européenne. Nous nous arrêtons. En ouvrant les portières de la voiture, le vent nous frappe, la température également. Nous nous précipitons dans le Spar, au chaud, à l’abris du vent, dans un cocon européen. Nous achetons le nécessaire afin de se faire un bon goûter. Nous mangeons sur place. Confronté et fatigué par le changement de météo, nous réfléchissons sérieusement à l’idée de bivouaquer ce soir-là. Deux idées émergent: trouver un hôtel/auberge à Balyktchy ou bien pousser jusqu’à Bichkek. Dans nos plans écrits dans un coin de notre tête, nous avons deux nuits consécutives où rien n’est réservé. Pas de réservation voudrait dire bivouac. Nous faisons un benchmark des logements à Balyktchy: rien ou presque. L’idée de pousser jusqu’à Bichkek, capitale du Kirghizstan, se confirme. Bien que cette étape n’était pas prévu initialement, nous nous réjouissons de découvrir une nouvelle ville, d’autant plus une capitale. Aussitôt les AirBnB regardés, aussitôt réservés. Nous sommes soulagés de ne pas dormir dehors, surtout quand nous voyons le vent et les giboulés. La route jusqu’à Bichkek est agréable et belle. Nous traversons de magnifiques Canyon, des montagnes une fois de plus colorées même sans un rayon de soleil les mettant en valeur. Le trajet est également rythmé par différentes averses. Ce n’est pas à en déplaire au Duster tellement que la poussière s’est accumulée sur lui. Sur la route, nous croisons un grand nombre de personnes/paysans agitant et tentant de vendre des sortes de poireaux. La pluie ne semble pas les décourager. Je me permets de le souligner car ces personnes sont vraiment présentes en nombre. Autre point notable lors de ce trajet, un grand nombre de voitures de police sont également de sorties. Pas de contrôle radar cette fois-ci, simplement un excès de gendarmes sur le bord de la route. Nous comprenons brièvement ce qu’il se passe lorsqu’un convoi de voitures de police escortant une berline noire nous double à toute vitesse. Notre analyse de personnes perspicaces dirait qu’une personne importante devait se trouver dans cette voiture. Nous arrivons à proximité de Bichkek au soleil couchant, celui-ci arrivant à se frayer un chemin à travers les nuages afin de nous offrir un beau moment. A première vue, la ville se rapproche architecturalement d’Almaty. Peut-être avec un peu moins de désordre. Le message a bien été passé avec notre hôte concernant l’adresse et notre heure d’arrivée. Celle-ci semble s’être démenée afin de nous proposer un hébergement propre, alors que nous avons réservé il y a moins de trois heures. D’ailleurs, Kseniia, notre hôte, nous attend en bas de l’immeuble avec des draps et serviettes dans les bras. Le AirBnB est niquel avec une chambre et un grand salon. Quel soulagement de se dire que nous avons un toit pour la nuit. Notre réaction peut paraître étrange après trois nuits dans un logement toutefois la fatigue commence à s’accumuler, nos cerveaux voient au quotidien beaucoup de choses, et la randonnée de la veille n’a pas aidé à nous reposer sérieusement. Posés dans le canapé, nous allumons la télé. Une panoplie de chaîne est disponible. Notamment celles de sport. Entre le Giro, la diffusion de combats de lutte ou encore de matchs de foot similaires à de la R2, nous ne nous ennuyons pas. En parallèle, Christian prend l’initiative de cuisiner notre dernier paquet de pâtes achetés il y a plus d’une semaine maintenant. Personne ne refuse son initiative, ça nous arrange bien. Il est près de 20h30-21h00 quand nous passons à table. Pendant le dîner, nous discutons à l’idée d’aller boire des coups. Nous sommes “éclatés” mais, qui dit nouvelle capitale dit nouvelle “soirée”. Enfin, à minima de nouvelles bières. Christian a spotté un lieu sur internet, pas le plus proche mais apparemment réputé. Mon guide du Kirghizistan le mentionne également. Parfait. Nous réservons un Yandex et partons, toujours habillé de la même manière quand nous sommes en ville, au Promzona. Notre chauffeur nous ambiance le temps du trajet en nous mettant des musiques du type Black Eyed Peas. Arrivé à la boîte, mes chaussures de trail se font regarder avec insistance par les videurs. Ça s’entend. Le fait d’être européens et d’avoir, potentiellement, un certain pouvoir d’achat, nous permet de rentrer sans trop de difficulté. Le concept de cette boîte est de proposer des groupes musiques en live. Ce soir-là nous sommes gâtés, le groupe reprend un grand nombre de musiques rock emblématiques qui nous permettent de passer une soirée mémorable. Dans cette boîte, comme ailleurs, nous sommes l’équivalent de “rock stars”, les locaux n’étant toujours pas habitués à voir des européens ou encore un allemand blond aux yeux bleus. Nous nous faisons dévisager par un grand nombre de filles qui en profitent également pour nous sourire. Les garçons également sont curieux et viennent nous parler. Le moment est super sympa. Enfin, il est important de noter que l’ambiance dans le bar est saine, loin des standards européens où nous pourrions parler de “chasse aux filles”. Ici les filles ne se font pas forcer la danse. Les gars sont respectueux. Après quelques pintes, quelques classiques comme Zombie des Cranberries, le groupe de rock reprend en grande majorité des musiques Kirghiz ou Russes. Sympa mais plus difficile à s’identifier. Aux alentours de 3h30, nous décidons de prendre un Yandex avec Jules afin de rentrer. Nous sommes épuisés et pourtant loin d’avoir beaucoup bu. Avec toujours autant de réactivité et de ponctualité, le Yandex arrive quand nous sortons du Promzona. Le chauffeur parlant un anglais compréhensible semble superbement heureux d’accueillir des français dans sa voiture. Il nous fait notamment part de son rêve d’emmener un jour sa femme en France. Agréable et sympathique, nous en profitons également pour lui poser quelques questions “géopolitiques” concernant le Kirghizstan et l’influence de la Russie et de la Chine dans le pays. Ces échanges ont été pour le moins compliqué à initier à cause de la barrière de la langue. Il nous a notamment fait part que, pour eux, les Kirghiz, la France et les USA sont des pays très éloignés ou il est très difficile pour eux de s’identifier et comprendre ce qu’il s’y passe. Ça s’entend, c’est la même chose dans le sens inverse pour nous. Avant de nous poser, celui-ci nous propose de faire une vidéo pour sa femme avec quelques mots en français. Nous acceptons avec plaisir, il est super heureux. Comme beaucoup de personnes ici, il nous sert chaleureusement la main afin de nous remercier.
Arrivés à l’appartement, Marin et Christian nous retrouvent une petite demi-heure après. Les deux étant bien éméchés, il y a une bonne demi-heure d’inertie à raconter des conneries avant d’aller officiellement au lit. Les rires de Christian auront notamment dérangé les voisins qui auront tapé à plusieurs reprises sur le mur afin que l’on se taise.
Chapitre 12 – Dimanche 12 mai 2024
Nous nous réveillons fatigués. “Encore”, pourrions-nous dire. “Faire la night” n’aide pas, bien que notre rythme de sommeil est catastrophique depuis le début du voyage. Le seul avantage que nous pouvons en tirer est celui de pouvoir profiter de nos journées. Les douches sont prises, le thé et les tartines de Nutella également. Sans connaître grand chose de la ville, nous identifions quelques lieux d’intérêts grâce à Google Maps. Nous prenons du plaisir à marcher dans cette ville, à arpenter les rues d’une ville encore très (!) verte ou le fait que nous soyons dimanche régule un petit peu la circulation. L’architecture, très soviétique, est minimaliste et volumineuse mais belle. J’aime ça. Nous déambulons de places en places, prenons des photos, avant de chercher un café où déjeuner. Le hasard fait bien les choses, le café est sympa, la serveuse parlant allemand facilite la conversation. Les prix au Kirghizstan sont vraiment très abordables, nous nous en sortons encore avec un gros déjeuner pour une dizaine d’euros par personne. Sorti du café, nous prenons la direction de la Mosquée de Bichkek que nous avons aperçu hier lors de notre arrivée en voiture. Elle semble impressionnante. Nous nous laissons guider par Google Maps. Plus nous nous approchons, moins nous la remarquons. Nous nous sommes donc trompés de Mosquée, nous nous sommes fait trompés par Maps. Dommage. Nous voulions voir la Mosquée Turque de Bichkek et non la Mosquée tout court. Petit check de Google Maps, 2km5. Bon, en ayant déjà plein les pattes, nous faisons le choix Yandex. Christian, référent Yandex du voyage remplit son rôle à merveille. Une dizaine de minutes plus tard nous arrivons enfin face à la Mosquée souhaitée. Celle-ci est à la hauteur de nos attentes. De l’extérieur, elle est impressionnante. Christian, vêtu d’un short, ne peut rentrer dedans. Marin, Jules et moi déchaussons et rentrons. La Mosquée est magnifique, colorée de tons et détails arabes bleus, elle est également lumineuse contrairement à d’autres que nous avons pu visiter jusque là, notamment celle d’Almaty. Incomparable. Nous profitons intensément de ce moment avec Marin, de chaque détail, surtout que l’appel à la prière retentit une fois dedans. Une quinzaine de minutes plus tard, nous sortons rejoindre Christian et Jules. Notre objectif maintenant est de retourner à l’appartement à pied afin de se reposer. Il doit être aux environs de 14h00, nous nous faisons accoster dans la rue par un jeune Kirghiz curieux de nous voir, il parle allemand. Nous passons ensuite par une nouvelle place gigantesque avant de rentrer dans un grand centre commercial. Nous montons au dernier étage espérant avoir une vue plongeante sur la ville, ratée. Nous redescendons puis prenons la direction de l’appartement en s’arrêtant à plusieurs reprises dans des boutiques souvenirs. Rien n’est trouvé, nous garderons juste une vidéo emblématique prise par Christian de Jules essayant un chapka. A mourir de rire.
Arrivés à l’appartement, Marin dormira près de trois heures tandis que Christian et Jules se chaufferont à aller au Bazar d’Och. En parallèle, sans dormir, je prends le temps de me reposer, de ranger le linge des machines à laver lancées hier. La fin d’après-midi passée, nous avons vu sur Instagram que le japonais rencontré au Charyn Canyon est également à Bichkek. Nous lui proposons de dîner avec nous ce soir, il accepte.
C’est à Navat, chaîne de restaurants locale, que nous nous retrouvons. Le restaurant est loin d’être le plus chaleureux que nous avons fait jusque là, toutefois, le moment est agréable, discuter avec Moro est super sympa, notamment pour en apprendre plus sur la culture japonaise, la politique, l’éducation, l’environnement et autres. Le dîner se termine, nous l’invitons puis rentrons sous la pluie au AirBnB, situé à 200m du restaurant. Nous regardons Manchester United-Arsenal avant d’aller se coucher. Nous n’avons pas de mal à trouver le sommeil.



Chapitre 13 – Lundi 13 mai 2024
Il est 05h30 à Bichkek. Le sommeil a été profond.
Nous finalisons nos sacs, nous douchons avant de nous diriger vers un énième endroit où prendre le petit déjeuner. Adriano Coffee sera notre spot pour ce matin. Une chaîne similaire à un Columbus Café chez nous. De retour à l’appartement, nous packons le tout dans la voiture avant de prendre la route en direction Almaty. Le boucle est sur le point d’être bouclée. Oui, déjà de retour à Almaty car Jules et Marin rentrent en France quatre jours avant Christian et moi. Qui dit retour à Almaty dit passage de frontière. Frontière beaucoup plus passante que la précédente sachant qu’elle relie deux des plus grandes villes d’Asie Centrale. Nous arrivons très rapidement à celle-ci. Les passagers sont conviés à descendre, je me retrouve donc seul à me faire contrôler la voiture. Un nombre incalculable de contrôles sont réalisés, le temps d’attente est interminable. Les gens s’impatientent, les automobilistes n’hésitent pas à doubler comme ils le peuvent afin de gagner du temps. Premier passage passé, place maintenant au contrôle de mon passeport. Pas habitué aux passeports français, le mien semble attirer l’œil du douanier. Il passe un coup de fil à un collègue ou j’y comprends le mot “France”. RAS, mon passeport rendu, je me fais orienter vers un endroit afin de me faire contrôler la voiture. Je ne comprends rien, personne ne parle anglais. Entre l’attente et la fatigue, je commence petit à petit à m’impatienter. J’arrive enfin à ce nouveau check-point où deux jeunes douaniers semblent très heureux à l’idée de rencontrer un français. Avec un grand sourire ils me serrent la main et m’orientent vers l’endroit de fouille en question. Je me retrouve donc dans un petit hangar digne de l’atelier d’un garagiste. La voiture est garée, un escalier permet notamment de descendre sous la voiture afin de contrôler la mécanique de la voiture. Impressionnant. Un jeune douanier, très sympathique, me sert lui aussi la main puis contrôle très brièvement les sacs. Tout ça pour ça. Il aura fallu vider TOUS les sacs de la voiture pour les rentrer à nouveau, sans réelle fouille de leur part. Coup de tampon sur mon bout de papier afin d’attester le contrôle de la voiture pour enfin sortir de ce beau merdier. Les gars doivent maintenant m’attendre depuis plus d’une heure. Je suis exténué de tout ça, de ne pas me faire comprendre, il fait chaud. Je retrouve sans trop de mal les gars. Nous reprenons la route tout en écoutant de la musique. Chose très rare depuis le début du séjour. Après une petite demi-heure de route, je décide de m’arrêter sur la première aire de repos de l’autoroute. Fatigué, Christian prend le volant jusqu’à Almaty. Le trajet passe vite. Jules s’était chargé de réserver le AirBnB, celui-ci n’a pas déplu. Situé dans un quartier proche du Jardin Botanique, c’est un appartement au 13 étage d’un immeuble moderne qui nous accueille. Nous prenons une petite heure afin de se poser puis prenons la direction d’un centre commercial afin que Jules et Marin trouvent de derniers souvenirs. Le quartier dans lequel nous résidons n’avait pas encore été exploré lors de notre premier passage en ville. Celui-ci semble aisé, dynamique et toujours aussi vert. Nous flânons dans les rues. Nous nous arrêtons à travers différentes boutiques. Boutiques où la contrefaçon est reine. Contre façon plus ou moins bien faite mais qui dans certaines boutiques pourraient réellement porter à confusion tellement que les boutiques sont dignes de concept store en France. Marin hésite puis se rétracte dans l’achat de chaussures. Pas de 46, une bonne excuse pour ne ne pas acheter.
Nous prenons le temps de commander une bière en terrasse avant de rentrer tranquillement à l’appartement. Nouvelle douche, puis moment de détente avant de ressortir dîner. Marin prend le lead ce soir-là. A force de répéter qu’il veut manger un döner, celui-ci nous emmène finalement dans un restaurant géorgien quelque peu guindé ou des guirlandes de lumières l’ont attirées. Pour ma part je suis exténué de mes courtes nuits. Le dîner reste agréable, c’est le dernier dîner tous les quatre. Comme souvent à la fin de chaque voyage, nous prenons le temps de nous remémorer les bons souvenirs de ce voyage. Surtout des bons, comme tout a été dans notre sens jusque-là. Avant de rentrer à l’appartement nous cherchons une machine de punchingball afin de dépenser nos dernières pièces de monnaie. Dans ce grand moment “d’abondance”, nous en profitons également pour manger une glace. Il doit être aux environs de 22h30 quand nous rentrons. Les sacs des gars se finalisent. Nous actons sur le fait qu’un Yandex les emmènera à l’aéroport demain matin et non le Duster. Ça nous arrange presque. La nuit est couchée depuis plusieurs heures sur Almaty, à nous de fermer les yeux.
Chapitre 14 – Mardi 14 mai 2024
05h40, un réveil sonne. Ca s’agite au AirBnB. Chassé-croisé à la salle de bain entre Marin et Jules avant d’entendre les fermetures éclairs des sacs se fermer. Mes yeux ne sont pas bien ouverts, brouillés par la fatigue. Les “au revoir” ne sont pas les plus chaleureux. L’essentiel reste de les prendre dans les bras, les remercier d’avoir pris part à cette aventure. Pour le reste, ces quinze jours resteront comme quelque chose qui nous lieront jusqu’à la fin de notre vie. La porte se referme, nous ne sommes plus que deux. C’est calme. Le AirBnB paraît bien grand maintenant. Avant de reprendre place dans nos chambres respectives, nous considérons avec Christian avoir le temps. Il est question de profiter de se poser et de ne pas se speeder. Le soleil est déjà bien haut, même à 06h00 du matin. Difficile de retrouver le sommeil. Nous en profitons pour traîner sur nos téléphones et lire. Un de mes objectifs de ce voyage est de terminer un livre acheté en France avant de partir. Nous levons nos fesses de nos lits aux alentours de 8h30 dans le but de trouver un endroit où prendre le petit déjeuner. Il n’est pas bien tard, tous les cafés ne sont pas encore ouverts. Après deux échecs, nous tombons par hasard sur un kiosque/café perdu au milieu de la végétation de la ville, proche d’une avenue assez passante. La terrasse est agréable. Le gérant, Kazakh, semble apprécier le fait de recevoir des européens. Il nous sert la main avec un grand sourire. Installés en terrasse en attendant d’être servi, nous partageons avec Christian nos premiers sentiments sur le voyage en cours. Le groupe, les échanges avec chacun, les individualités qui auront chacune apportée leur particularité dans ce voyage. L’échange est sain, calme, bienveillant. Au moment de payer l’addition, Christian laisse un tips en main propre au gérant. Ce geste le touche, il nous remercie chaleureusement. Nous retournons au AirBnb à pied afin de finaliser nos sacs. Tout paraît bien vide après le départ de Jules et Marin, notamment la voiture. Tout rentre sans baisser les sièges. Nous statuons sur nos plans des prochains jours. Rien n’est réellement défini. Sans vouloir y chercher une logique, nous pensons sérieusement retourner en direction du Charyn Canyon. Un haut spot touristique Kazakh se situe là-bas avec les Lacs Kolsay. Ce n’est pas le temps qui nous manque, toutefois, c’est près de 300 kilomètres qui nous attendent afin de s’y rendre. Nous pourrions presque assumer avoir “la flemme”. Nous avons cependant quatre jours devant nous encore et l’objectif de ce voyage est de profiter de la nature Kazakh, et non de rester en ville à perdre du temps sur nos téléphones. Le moteur du Duster de nouveau allumé, nous devenons presque des habitués des routes d’Almaty étant donné que nous sommes déjà passé ici à plusieurs reprises maintenant. Arrêt express à une station service afin d’éviter les frayeurs avec le réservoir de la voiture, achat de boissons fraîches, tous les feux sont au vert. C’est agréable de reprendre une route nous paraissant familière. Notre regard à changer après l’émerveillement d’il y a deux semaines. Beaucoup de plaisir, de calme en conduisant sur ces routes vierges et arides. Nous en profitons pour écouter un peu de musique au cours de ce trajet, chose assez rare jusqu’à maintenant. C’est agréable, un road-trip dans ses plus grands clichés. A ce moment-là rien n’est planifié, nous pouvons tout improviser. Arrivé à la bifurcation nous dirigeant vers les lacs Kolsay, 85 kilomètres nous attendent encore sur une route secondaire. Qui dit secondaire, dit partir avec des préjugés. Nous estimons que le temps de trajet peut être long et mouvementé. Il en est tout autre, la route est parfaite sur toute cette distance. Nous traversons de magnifiques paysages, entre steppes avec haut sommet enneigés au loin, routes serpentant dans différents Canyon. La route zigzag comme des routes de montagnes françaises. Je prends vraiment mon pied à conduire. Qui dit lieu touristique dit Parc National dit paiement d’un droit de passage. Nous arrivons aux environs de 16h00 au parking des lacs Kolsay. Le parking se trouve sur un plateau où différents boutiques de tourisme se battent en duel. Rien n’est vraiment alléchant hormis les montagnes environnantes. De la musique assez forte retentit. Ce lieu est safe mais loin des standards du tourisme qualitatif trouvable en Europe. Nous nous habillons de sorte à réaliser une randonnée/trail d’environ 15 kilomètres. Les gens semblent surpris de nous voir en tenue de sport. Nous sommes surpris de les voir surpris.
Une route en goudron descend progressivement vers le premier lac. Tout est aménagé pour y accueillir des touristes avec un grand T. Nous comprenons rapidement les regards surpris de nous voir en tenue de randonnée. Personne ne va au-delà du premier lac et son sentier pédestre plutôt bien bâti. Nous empruntons, seuls, le sentier longeant le premier lac par la Rive Ouest permettant de rejoindre le second. C’est un sentier en accordéon qui nous fait finalement prendre en dénivelé alors que nous sommes censés longer le lac. Il n’y a déjà plus personne. C’est calme. La fin de journée se rapproche. Les lumières sont belles, la météo l’est également. Le sentier longe une rivière provenant du second lac alimentant le premier puis monte dans une forêt. Le dénivelé est bien présent. Nous réalisons l’ascension à un rythme assez intense. Rapidement arrivé au second lac, en sueur, nous faisons connaissance d’une coréenne voyageant seule et ayant l’objectif de camper au lac. Elle est munie d’une GoPro où elle se filme. Nous sommes sur sa vidéo. Elle est drôle et sympa, nous échangeons nos Instagram pour suivre ses futures aventures. Nous prenons un chouia de hauteur afin d’avoir une vue un peu plus plongeante sur le lac. J’en profite pour sortir rapidement le drone pour prendre quelques vues. Les lumières sont belles bien que nous ne voyons déjà plus le soleil, caché derrière les reliefs. N’étant que trois autour de ce lac, le silence règne. Il est 17h45 quand nous attaquons la descente. Notre sortie va durer plus longtemps que prévu. Nous réalisons la descente à vive allure afin de ne pas se faire prendre par la nuit. C’est à 19h00 que nous arrivons au premier lac. Allongés sur le ponton artificiel en bois, nous prenons le temps de nous laver le visage et les aisselles avant le bivouac de ce soir.
Sur la dernière montée en asphalte, nous attisons la curiosité de deux jeunes qui nous interpellent. Il s’agit d’un jeune couple russe surpris de rencontrer un Allemand et un Français. Comme ils nous en ont fait part, ils ne sont pas habitués à voir nos nationalités. Leur anglais est mauvais mais nous arrivons à échanger quelques phrases. Nous les quittons dans la montée. Aussitôt arrivé à la voiture, le garçon du couple se précipite vers nous afin de prendre une photo avec eux. Nous acceptons avec plaisir, nous ne sommes plus à la première. Ces moments nous font plaisir. Nous échangeons également nos Instagram avant de partir à la recherche de notre spot de bivouac. Un autre lac très réputé dans les guides se trouve non loin de là. Le Lac Kaindy. Il fait déjà nuit, je propose à Christian d’aller dormir directement sur le parking du lac. L’intérêt pour nous est de nous avancer pour le lendemain et réaliser la randonnée à l’aube. Pas de grande négociation à mener avec Christian, il me fait confiance, le deal est conclu. Nous empruntons de nuit une route de terre dans un très mauvais état. Les pancartes nous annoncent 12 kilomètres. Nous traversons à plusieurs reprises des rivières, sans être dans la capacité de jauger leur profondeur. Le Duster passe. Le poste de garde semble être ouvert, sans garde à l’intérieur. Nous passons, pensons qu’à une certaine heure, nous ne sommes pas obligés de payer. Nous arrivons au parking vers 20h30, la nuit règne. Nous sortons de quoi pique niquer quand nous entendons au loin une voiture arriver. Les phares d’une camionnette militaire se dirigent vers nous. Un garde en habit militaire sort de la voiture, pointant une lampe sur nous. Nous ne nous sentons pas en danger. Il nous sert la main. Il nous regarde puis inspecte la voiture. Il ne parle pas anglais mais comprenons que nous devons payer. Le paiement est la seule problématique, dormir ici ne semble lui poser aucun problème. Nous lui montrons d’ailleurs nos lits déjà prêts dans la voiture. Le prix nous semble excessif par rapport à ce que nous avons payé jusque-là mais nous n’avons aucun moyen de négocier dans ces conditions. La transaction est faîte. Les phares de sa voiture s’éloignent.
Nous pique-niquons nos tomates et notre bout de pain, ainsi que notre banane et sneakers à la frontale. Nous nous lavons les mains, les dents puis déplaçons la voiture à l’endroit où le garde nous a signifié de le faire. Les lits, eux, n’ont pas bougés. C’est la première nuit de Christian dans le Duster.



Chapitre 15 – Mercredi 15 mai 2024
La première nuit de Christian dans le Duster n’est pas un succès. Dormir à deux dans une voiture, ça peut être agréable quand nous sommes accompagnés par son/sa conjoint. Dormir à deux entre gars, ça dépanne mais c’est pas non plus le grand luxe. Manque de place, hygiène sans douche post-randonnée. Bref, “ça dépanne”. J’ouvre les yeux aux alentours de 05h30. La lumière est déjà bien présente. Nous sommes seuls sur ce parking en terre, nous découvrons tout juste les lieux après notre arrivée dans la nuit noire. Des sortes de kiosque à nourriture et à chevaux sont disposés à quelques endroits sur le parking. Le lieu semble être assez prisé par les touristes. Nous replions nos duvets, nos matelas gonflables. En quelques minutes la voiture est comme neuve. Le Nutella et le pain sur le capot de la voiture, nous finissons nos dernières provisions le temps d’un petit déjeuner ensoleillé. Il fait déjà chaud. Nous attaquons la randonnée vers 06h30. Ca commence fort avec une montée sur une route de 4×4 assez pentue qui nous coupe bien les jambes et nous fait bien suer, quelques minutes seulement après notre réveil. Le reste de la randonnée jusqu’au lac est une promenade de santé. Un peu plus de 2,5 kilomètres qui nous mène sur une zone bien aménagée permettant d’admirer le lac depuis ses berges. Le Kaindy Lac est peu commun. Des dizaines et dizaines de tronc d’arbre sortent de l’eau, sans végétation ni branche. Christian m’explique que ce lac est du à un tremblement de terre ayant eu lieu il y a de longues années. Ce lac n’existait donc pas avant et l’eau s’est engouffrée dans cette zone et à recouvert toute cette forêt dorénavant morte. Combien de temps ces troncs vont-ils réussir à se tenir droit dans toute cette humidité ? Nous pouvons déjà observer plusieurs troncs coupé par l’eau et stagnant à la surface. Comme nous en discutons avec Christian, l’espèce humaine réussira bien à trouver une solution artificielle afin de conserver ces troncs au milieu de ce lac et les proposer aux touristes. Nous sommes actuellement dans un des sites touristiques les plus reconnus du Kazakhstan. Toutefois, il n’y a que Christian et moi. Pas une voix, pas un bruit d’espèce humaine. Nous profitons, en silence. Je ne suis pas le plus bavard du groupe. Encore moins le plus drôle. Le silence prend beaucoup de place depuis que Jules et Marin sont partis. Nous avons tous des personnalités différentes, nos valeurs communes font que ce groupe a fonctionné et fonctionne toujours entre Christian et moi. Il est un peu plus de 07h00 maintenant. Il fait tellement chaud que nous sommes presque obligés de lâcher le tee-shirt. Après une petite demi heure à profiter tranquillement des bords du lac, nous débutons le chemin du retour de notre boucle. Assez rare dans ce voyage pour le souligner, nous allons enfin réussir à faire une boucle et non un aller et retour. Nous traversons un petit pont passant au dessus de la rivière ou se déverse le lac. Nous regagnons gentiment en dénivelé afin de profiter d’un point de vue sur le lac. C’est lors de la redescente que nous croisons un grand nombre de personnes. Nous avons une heure d’avance sur eux, une heure de silence et de solitude. Un groupe montant à cheval, un autre d’une dizaine de personne montant à pied. Nous l’avons échappé belle. Arrivés à la voiture, j’ouvre les quatre portières afin d’aérer la voiture, libérer la chaleur depuis notre départ. Christian part se rafraîchir dans le ruisseau. Le parking s’est rempli, de voitures, de touristes et de beaucoup de chevaux. Certains paraissent en bonne santé, d’autres moins. La question se pose toujours sur le réel traitement de ces bêtes. Nous repartons tranquillement sur les dix kilomètres de route de terre. Nous traversons les mêmes ruisseaux que la veille tel une publicité Jeep. Pas confiant à 100% mais quel plaisir de conduire dans ces conditions. Une fois la route principale rattrapée, nous déboulons à toute vitesse sur cette route de qualité.
Nous faisons actuellement sens inverse à la route empruntée la veille. Je prends une fois de plus un plaisir monstre à conduire, ici, au Kazakhstan. Nous nous arrêtons faire le plein dans une station service de fortune. Nous avons ici le choix entre du SP 95 ou 92, ce qui n’a pas toujours été le cas depuis le début du voyage. Le SP 92 explique assez facilement le degré d’encrassement des voitures. Une fois le réservoir de la voiture plein, nous roulons, encore et encore, sur cette route de si bonne qualité, à travers ces canyons, ces steppes et ces lignes droites à perte de vues face à ces gigantesques montagnes enneigées. Nous nous arrêtons à l’extrémité d’une de ces routes afin de prendre des photos, s’épanouir. Quelques kilomètres plus loin, nous faisons une brève halte au Canyon Noir puis nous arrêtons boire un café et acheter des boissons. Nous nous étions d’ailleurs déjà arrêtés à cet endroit avec Jules et Marin deux semaines auparavant. Avec un peu de caféine dans le sang, nous reprenons la route, rapidement arrêté par un gendarme qui souhaite nous contrôler. Pas forcément confiant, je me dis qu’il va peut être avoir quelque chose à nous reprocher étant donné que je devais être dix kilomètres au dessus des limitations de vitesse. Plus de peur que de mal, simple contrôle des papiers. Nous lui serrons d’ailleurs la main à plusieurs reprises. Dix kilomètres plus loin, la route zigzag dans un Canyon, certaines voitures roulent à une allure très modérée. La visibilité étant bonne, je mets mon clignotant afin de doubler une voiture, bien que la ligne soit continue. Faute à pas de chance, la voiture en face est une nouvelle voiture de police. Gyrophare, demi-tour immédiat de la voiture. Je me gare sur le bas côté. “Putain” dis-je. Pas d’excuse, pris en flagrant délit. Un premier policier sort. Il nous sert la main, contrôle nos passeports, ne parle pas anglais. Je suis invité à monter dans la voiture de police sur le siège passager. Je m’exécute. Un autre policier m’attend. Il me sert la main, ne parle pas anglais. Il me montre mon infraction sur sa tablette en ayant été filmé en temps réel. Il me parle en Kazakh, puis Russe, puis Kazakh encore. Je ne comprends rien et je lui fais comprendre. Le ton est amical et sain. Ne voyant pas d’issue à la situation, je suis obligé de lui dire “money” en faisant le signe de l’argent avec mes doigts. C’est à ce moment précis qu’il me tend un chiffon et me dit de la placer sur la caméra présente dans la voiture, vraisemblablement en train de nous filmer. OK, les bases sont posées, nous sommes donc ici sur de la “corruption”. C’est excitant et la situation semble actuellement sous contrôle. Sur la calculette de sa tablette, je lui écris 5 000 Tenge (10€00), il me rigole au nez. Je lui écris ensuite 10 000 Tenge, il me rigole (encore) au nez. Je lui fais comprendre que nous n’avons que ça. Christian discute avec l’autre policier dehors. J’ouvre la portière et lui demande de prendre 10 000 Tenge et de ne pas montrer que nous avons plus d’argent liquide. Je le dis en anglais, les policiers ne comprennent pas. Le billet de 10 000 dans mes mains, le policier ouvre sa boîte à gants. Je glisse le billet dedans avant de lui serrer la main, comme un deal bien mené. De mes souvenirs, hormis la vidéo de l’infraction, aucune photo du passeport, aucune photo de la plaque n’ont été prise. Il a juste été question de prendre son billet et c’est tout. Je rentre à nouveau dans la voiture. Après discussion avec l’autre policier, Christian me dit que ce même policier n’a même pas vu l’infraction. Il lui a fait comprendre qu’il dormait. Sans commentaire. Soulagé sans forcément être énervé, nous prenons cette mésaventure comme une expérience, une histoire de dingue à raconter quand nous serons de retour en France.
Nous prenons la direction d’Almaty. Notre objectif maintenant est d’atteindre la ville de Turgen et de rentrer dans le Parc National Ile Alatau. Nous nous arrêtons déjeuner à Turgen, dans un restaurant de quartier. Il fait super chaud. En plus d’être fatigué, la chaleur nous écrase, la poussière des routes n’aide pas. Il y a la climatisation dans le restaurant et ça, c’est un luxe. Personne ne parle anglais, la carte est en Kazakh. Au moment de commander, la serveuse, maîtresse de maison, nous fait comprendre que la moitié des plats ne sont pas disponibles. A nous de faire preuve d’improvisation quand nous ne comprenons rien de la carte, même Google Traduction. Notre choix se dirige vers des pâtes ouïghours. C’est chaud mais c’est trop bon. Après le déjeuner, nous traversons la route pour nous diriger vers une épicerie afin d’acheter de quoi manger pour ce soir, de l’eau et des boissons. Nous en profitons pour prendre une glace que nous dégustons à l’ombre, les pieds sur le capot de la voiture. Nous prenons notre temps. Le Parc National est juste à côté. Arrivé au poste de garde, nous payons notre entrée avec l’objectif d’atteindre l’Assy-Turgen Observatory situé à 2 800m d’altitude. La chaleur et notre connaissance des routes locales nous laissent optimistes à l’idée d’atteindre cet objectif. La route au sein de cette vallée est bonne, goudronnée. A la fin de l’axe principal, endroit où la route est censée devenir chemin de terre, un homme bloque la route. Depuis sa voiture, il tient une ficelle à la main maintenue de l’autre côté par un poteau. Impossible de passer, même à pied, sans savoir pourquoi. Il montre à Christian une pancarte écrite en Kazakh expliquant le pourquoi du comment. Nous n’en saurons pas plus. Christian qui avait beaucoup d’attente concernant cet endroit est déçu. Entre la fatigue, la chaleur et la déception, c’est comme un coup de massue pour Christian qui connaît sa première grosse déception du voyage. Je comprends. Nous faisons chemin arrière. Nous n’avons finalement pas de grands intérêts à rester dans le Parc. L’endroit est surpeuplé, notamment de touristes qui ne sont pas forcément de notre “délire”. Sur le chemin du retour, Christian identifie une sorte “d’office du tourisme”, il souhaite leur demander pourquoi la route est fermée. Sans grande surprise, l’hôtesse, une femme âgée, ne parle pas anglais et n’a aucune information concernant la fermeture de la route. Dommage. L’office du tourisme en lui même est beau, il y a un shop similaire à ce qu’il y avait à Charyn où il est possible d’acheter des vêtements et autres goodies aux couleurs des Parcs Nationaux du coin. Il y a également du thé. Nous nous installons sur une table afin d’en boire une tasse et faire redescendre la “pression”, ou plutôt déception. Au départ de cet endroit, il est également possible de rejoindre une cascade sans trop de difficulté. Afin de se dégourdir les jambes, nous réalisons sans aucun mal un petit kilomètre à travers un paysage mi végétalisé, mi aride. Nous apercevons notamment deux serpents lors de notre “ascension”. La cascade est telle qu’elle est, sincèrement plutôt sympa. Il y a moins d’une dizaine de personne sur place. L’hésitation nous guette quant à aller se mettre en dessous. L’eau doit être gelée, et nous n’avons pas de serviette. Nous arrivons une quinzaine de minutes plus tard à la voiture. Notre souhait est maintenant de trouver un bivouac pour la nuit, le dernier du séjour.
J’ai exprimé mon souhait à Christian de dormir une dernière fois dans les steppes. Dans le pire des cas, quelque chose qui y ressemblerait. Il ne refuse pas. Après la déception de l’observatoire, il souhaite prendre le lead sur le bivouac. Nous sommes quoi qu’il arrive sur la même longueur d’onde. Nous sortons du Parc National puis de Turgen. Nous empruntons la même route annexe que lors de notre premier jour sorti d’Almaty avec Jules et Marin. Nous bifurquons à un moment sur une route de terre prenant la direction des reliefs. La route reste correcte pour une route annexe. La voiture est une fois de plus recouverte d’une épaisse couche de poussière. Nous cherchons un chemin à cette route annexe afin de prendre de la hauteur et pouvoir profiter du coucher de soleil. Une quinzaine de kilomètres plus loin, nous trouvons le précieux sésame. Une route s’engage assez abruptement vers les collines. Nous arrivons à un endroit plat, vert, calme, magnifique. Nous prenons la décision de garer la voiture ici. Des chevaux sont visibles non loin de notre bivouac. Christian monte sa tente. De mon côté, je me sens sale après cette journée chaude. La journée est déjà longue depuis 06h00 du matin, nous avons finalement réalisé deux petites randonnées. Je me projette à l’idée de trouver un moyen de me doucher. Pendant le montage de la tente de Christian, un troupeau de moutons viens traverser notre campement, troupeau comme toujours accompagné de son berger à dos de cheval. Les bêtes, qu’ils s’agissent des chevaux ou des moutons, ramènent pas mal de mouches. Christian décide à un moment de partir explorer les alentours. Je décide pour ma part de rester à la voiture, me reposer. A son retour, il me signifie que 500 mètres plus haut, la vue et le spot sont encore mieux. Par flemme et fatigue, je lui demande si, sincèrement, le lieu en vaut vraiment le coup et si ce n’est pas que pour une histoire de réseau mobile. Il m’assure que non. Torse nu, pied nu, la tente chargé à l’arrache dans la voiture, nous reprenons la route sur 500m sur ce chemin de terre abrupte. Le court trajet en valait la chandelle. Le soleil devrait passer l’horizon du Kazakhstan face à nous, le lieu est plat, la vue sur les montagnes magnifique, les mouches absentes. Christian remet en place sa tente, je dresse mon lit dans le Renault Duster. Bien équipé en eau ce soir, je remplie ma gourde de deux bouteilles d’eau et me douche à l’aide de 3L d’eau. Le résultat est parfait, je me sens tout propre après 48 heures sans douche. Christian en fait de même, vue face aux montagnes. Des petits moments de vie inoubliables.
Vêtu de vêtements propres, nous préparons nos sandwichs de pain, fromage et gros cornichons face au coucher de soleil. Des vaches viennent nous rendre visite à plusieurs reprises. Les lumières sont magnifiques, le rouge orangé toujours au rendez-vous. Christian a visé ans le mille avec cet endroit, le soleil se couchera face à nous, dans la seule brèche menant à l’horizon. Après avoir acté d’aller au lit, je profite d’un moment pour observer les étoiles depuis la fenêtre ouverte de la voiture. Il est 23h00, je reprends ma place dans mon lit et part me coucher sous ce ciel magnifiquement étoilé.



Chapitre 16 – Jeudi 16 mai 2024
Le vent s’est fortement levé cette nuit. Rien à signaler de mon côté. Pas sur que le constat soit le même pour Christian. Dans tous les cas, il ne va pas s’envoler. A 04h30, le ciel est levé, Christian également. C’est à ce moment-là qu’une envie pressente lui vint d’aller aux toilettes. Qui dit “envie d’aller aux toilettes” dit papier toilettes dit ouvrir la voiture. Conclusion, je suis réveillé. Encore une nuit de grande qualité. J’essaie de me recoucher, sans succès. Il est aux environs de 05h00 quand je me lève. Après avoir rangé nos affaires et déjeuner une fois de plus sur le capot de la voiture, nous tirons la conclusion que partout où nous irons les portes seront fermées en vue de l’heure matinale. Nous décidons donc de trainer sur le “camp”, se reposer sans dormir. Lecture et écriture pour ma part, randonnée pour Christian. La fatigue et la volonté de terminer mon livre m’aura amené à refuser l’excursion proposée par Christian. Pas de regret, les quelques kilomètres annoncés initialement se sont transformés en près de 10 kilomètres. Ce temps m’aura permis de prendre un second petit déjeuner et lire plus de 100 pages de mon livre afin de le finir. Objectif atteint. J’aperçois Christian sur la montagne face à moi. Plus d’un kilomètres à vol d’oiseau doit nous séparer. Sans parler du relief. Il en a encore pour un peu de temps. Commençant presque à m’ennuyer, je pack toutes les affaires dans la voiture et descend le Duster à un endroit où nous devrions logiquement nous croiser. Bingo. Après un réveil à 05h00, nous décollons de notre dernier bivouac Kazakh aux alentours de 09h30 avec un Christian en sueur.
Nous souhaitons rejoindre Almaty cet après-midi. Nous rencontrons pour le moment deux échecs dans la réservation d’AirBnB. Nous nous arrêtons sur le bord de la route afin de faire une troisième tentative avec confirmation immédiate. Celle-ci est la bonne, retour à Almaty pour trois dernières nuits afin de redescendre en excitation et se projeter nos retours en Europe. A l’aller, Christian avait spotté un grand centre commercial sur la route. Les embouteillages, le monde et la fatigue auront pris le pas, nous filons directement à Almaty.
Le retour à l’urbanisation, la civilisation de masse ne nous dérange pas. Nous avons fréquenté près de la moitié du séjour de grandes agglomérations (Almaty et Bishkek), ensuite, nous restons quand même des citadins de par nos lieux de résidence respectifs en Europe. Notre AirBnB étant proche du Jardin Botanique, Christian se charge de trouver une adresse de restaurant où déjeuner le midi. Le lieu semble prisé mais nous arrivons suffisamment tôt afin d’avoir une table. Encore une fois, la carte est digne d’un Harry Potter, avec un nombre de pages incalculables. Première pizza du voyage pour moi, trop envie de manger gras. Étant donné que nous ne pouvons récupérer notre AirBnB qu’à 15h00, nous avons du temps à tuer. La solution au temps à tuer se nomme: le coiffeur. Au tour de Christian de se faire couper les cheveux. Nous trouvons un coiffeur non loin du restaurant. Christian avait préparé sa demande en russe via Google Traduction. C’est un jeune qui lui coupe les cheveux. Le pourboire laissé par Christian lui aura lui aussi donné un beau sourire. Il le remercie chaleureusement.
Nous arrivons à proximité du AirBnB. Celui-ci est situé dans une immense résidence digne d’une ville à part entière. Un ensemble d’une dizaine d’immeubles modernes de plus de 15 étages forment un complexe d’habitation sécurisé. Jeux et fontaines à eau pour les enfants, deux city stades pour les plus grands. Notre appartement nous attend au 12ème étage d’un de ces immeubles. Nous avons énormément de mal à rentrer dans le AirBnB étant donné que la serrure est sécurisé par un code que l’on doit ensuite tourner comme une clé. le bordel. La boîte à clé a ses avantages que d’autres systèmes n’ont pas. Après dix minutes à galérer, nous réussissons enfin à rentrer dans le AirBnB. Un lieu simple, efficace, avec une belle vue. A peine les bagages posés, nous lançons une première machine à laver afin de gagner du temps lors de notre retour en Europe. Une bonne douche est également au programme. Christian aura inauguré cette même douche avec un pseudo dégât des eaux en raison de canalisation bouchée. Nous nous improvisons plombiers avec une bouilloire et l’eau très chaude. C’est une affaire qui roule.
Qui dit AirBnB pour le reste du séjour dit le temps de se poser mais aussi organiser ce qui peut se rapprocher de “la fin du voyage”. Une fois les douches prises, petit tour à la voiture afin de la vider de nos dernières affaires et de se projeter sur l’organisation de nos sacs. Nous en profitons également pour lâchement abandonner nos ballons de rugby et de volley sur le city-stade de la résidence. Autant nous n’avons pas de doute sur le futur du ballon de volley que le ballon du rugby au Kazakhstan… laissons la science se faire. Une fois toutes ces affaires remontées, c’est reparti pour un nouveau tour d’ascenseur afin de redescendre les douze étages de l’immeuble. Notre routine du voyage se créé, direction un supermarché pour réaliser quelques courses, acheter des boissons fraiches et quelques gâteaux apéro. Retour une énième fois au AirBnB, il est officiellement le temps de chiller. Le temps se gâte sérieusement. De la pluie, de l’orage, du tonnerre, tout est réuni pour ne rien faire, se reposer sans dormir, rattraper notre presque retard sur les réseaux sociaux. Tout ça quoi. A l’heure de dîner, nous jetons un œil aux restaurants à proximité du AirBnB. Nous avons le choix entre un géorgien et un indien. Christian, apparemment grand amateur des restaurants indiens, se laisse prêter au jeu de ses papilles. Je le suis avec plaisir, bien que n’étant pas un grand aventurier gastronomique. Le trajet se fait sous la pluie à essayer d’éviter les flaques d’eau en nombre. Les averses sont assez fortes ici. L’avantage est de faire redescendre la pollution au sol. Une femme, semblant être d’origine russe, et une Kazakh nous accueille dans ce restaurant indien. Les vidéos YouTube Indiennes rythment notre dîner. Côté cuisine, les images nous aident dans le choix de notre menu, le degré de “spicy”, lui, n’est pas renseigné. Deux plats pour Christian, un pour moi. Le premier plat est servi pour Christian. Il me regarde, les yeux rouges, à la limite de pleurer, en me disant: “tu sais, j’adore la nourriture indienne, tout ce qui est piquant”. Oui, en effet, en voyant l’état dans lequel ça te met, nous n’avons pas la même définition “d’aimer la nourriture”. Le repas se passe. Nous ne sommes pas seuls en ce jeudi soir dans ce restaurant. Il semblerait que des indiens en mal du pays soient venus se ressourcer ici. Le prix est plus qu’abordable. Nous rentrons calmement à l’appartement. La pluie s’est arrêtée. Nous étendons une nouvelle machine avant d’aller se coucher.
Chapitre 17 – Vendredi 17 mai 2024
Que ce soit pour vous ou pour moi, la fin de ce récit approche. Heureusement pour tout le monde car je répète pour la énième fois que, peu importe où nous dormons, nous nous réveillons une fois de plus à 05h30. Christian continue à documenter nos journées d’une vidéo quotidienne. Pour nous, pour nos familles. Mes yeux sont à en croire les vidéos pleines de fatigue. La fatigue de mon visage est intense, mon esprit au combien détendu.
Nous avions soumis l’idée d’aller courir la veille. Aucune porte n’avait été fermée quant à cette possibilité. Le temps du réveil, de prendre le petit déjeuner, l’idée n’est pas relancée. C’est manqué. Christian l’a bien inscrit dans son esprit. Comme toujours depuis le début du voyage, il faudra attendre Christian une bonne demi-heure, le temps que Monsieur se prépare, passe aux toilettes, s’habille et j’en passe. Nous passons officiellement le seuil de n’a porte vêtu d’un short et d’un tee-shirt sale pour ma part (optimisation du linge, malin). Il n’y pas de programme ni d’itinéraire défini, juste courir. Nous nous rapprochons du Jardin Botanique. Nous nous faisons refouler du Jardin Botanique car trop tôt, pas encore ouvert. Nous actons sur une boucle à travers les parcs environnant permettant de faire plus de 10km à un rythme relativement intéressant. Réelle satisfaction d’avoir fait une trace Strava au cœur d’Almaty. Cela représente pour nous un “vrai souvenir” de notre venue ici (technologie, tuez nous).
Qui dit run, dit douche, nous voilà maintenant tout “beau”, tout propre. Le dress code, lui, ne change que très peu depuis le début du séjour. Je suis bien vêtu de mon seul et unique jean bleu accompagné de mes plus belles chaussures de trail violettes, élément indispensable afin de mettre en avant la trend “outdoor” en ville. Direction le métro, la liaison Théâtre Aouézov jusqu’à Zhibek Zholy n’a plus de secret pour nous. Nous tâchons de trouver un énième café où déjeuner. Nous ne sommes jamais mieux servi que par ce que l’on connaît déjà, retour donc au Café Benedict où nous avions mangé avec Marin et Jules le tout premier jour de l’arrivée de Christian. Assis à côté de nous, un Kazakh nous fait le plaisir de nous interrompre afin de nous parler en anglais avec quelques mots de français. Christian analyse son intervention par la volonté de “faire le beau” et se mettre en avant. J’approuve l’analyse. Un nouveau passage de quinze minutes aux toilettes pour Christian et nous voilà sorti le ventre plein. Sous quelques gouttes d’eau , nous prenons la direction de l’Est du Parc Panfilov. J’ai spotté une boutique de carte postale, type concept store, chose très très rare jusque là à Almaty. Après deux tours de pâté de maison, nous trouvons officiellement l’entrée de la boutique. Elle est située dans ce qu’on pourrait appeler une ancienne friche en France. Le lieu fait très hipster, avec des tags, une esplanade ou certains événements/concerts semblent se dérouler. Un café est également présent. La boutique de cartes ne déçoit pas, des carnets sont également vendus. Après avoir finalisé nos achats, nous en profitons pour explorer le bâtiment dont la boutique fait partie. D’autres corners comme une boutique de vêtement, une salle de spectacle ou d’autres lieux d’expression artistique viennent compléter l’offre de ce lieu. C’est paisible, c’est beau, c’est artistique, c’est européen, nous nous reconnaissons dans cet endroit tout en se disant que l’art et le côté hipster existe également au Kazakhstan. Après avoir exploré les lieux, nous prenons la direction du café afin de se poser, prendre le temps et écrire nos cartes postales. Nous restons près de deux heures dans le café, entre rédaction des cartes, courtes discussions avec la serveuse, moments de détente. La vie comme un local. Nous nous ferons notamment offrir un verre par la serveuse. Pour la remercier, Christian souhaite lui laisser un pourboire. Semblant vexée, nous nous contenterons de payer l’addition au juste prix.
Il est presque 17h00. Nous partons à la recherche d’un bureau de Poste afin de trouver des timbres et poster nos cartes. Le bureau de poste est efficace, les timbres et l’envoi sont relativement chers mais les attentions à la famille n’ont pas de prix. Sur le chemin en direction du métro, Christian souhaite s’arrêter une nouvelle fois au magasin outdoor où il avait acheté le premier jour deux teeshirts lors de son arrivée à Almaty. Cette fois-ci, rien d’intéressant à acheter. Nous reprenons le métro. Le ticket de métro ressemble à jeton similaire à celui d’un manège. La trajet Zhibek Zholy – Théâtre Aouézov n’a vraiment plus de secrets pour nous. Nous passons devant un magasin de vélo où Christian souhaite s’arrêter, puis devant le restaurant indien de la veille. Les lumières du soir descendent petit à petit sur Almaty. Les montagnes sont visibles depuis le 12éme étage de notre AirBnB. Les valises commencent à se finaliser avec le linge qui ne cesse de se relayer sur l’étendoir. Nous optimisons l’utilisation de vêtement afin de gagner du temps en rentrant en Europe. Nous chillons avant de reprendre la direction du centre-ville. Nous souhaitons aller boire un verre pour notre avant dernier soir. Nous avions demandé conseil à la serveuse du café de cet après-midi. Verdict, un bar sympa mais à connotation très internationale. Ambiance rouge, billard, discussion en anglais et regards toujours aussi appuyés sur nous. Enfin, si je me permettre, surtout sur Christian. Nous y restons deux petites heures le temps de boire deux pintes. Juste assez pour nous tuer avec la fatigue. Accessoirement, nous n’avons pas encore mangé. Il n’y a plus qu’à se remplir le ventre avant de rentrer au AirBnB. Arrêt au premier döner du coin. Nous sommes servis sur le tard. La fatigue, l’alcool et la non volonté de faire des efforts à comprendre le menu m’auront amenés une crêpe (à la française) rempli de viande kebab. Peut mieux faire pour un aussi gros coup de fringale. Je suis exténué, jusqu’à en presser Christian. Aussitôt nos plats avalés, aussitôt le Yandex arrivé. Il est environ 0h30 quand nous rentrons. Je suis exténué de tout, de nos courtes nuits, de l’alcool, de parler anglais, de tout. Bonne nuit.



Chapitre 18 – Samedi 18 mai 2024
Les journées passent et se ressemblent. L’essentiel du voyage est maintenant derrière nous. Entre réveil à l’aube, recherche d’un petit déjeuner, vadrouille dans la ville, cette dernière journée à Almaty ne déroge pas à la règle.
C’est à pied, pendant près de 3 kilomètres, que nous prenons la direction du dernier breakfast du voyage. Lieu choisi par Christian. Une fois de plus, l’endroit est loin d’être le plus miteux de la ville. Nous sommes plutôt sur l’extrême opposé. Le quartier dans lequel nous sommes semble très aisé. Les voitures qui y déposent les clients du café sont récentes comparés aux épaves que nous pouvons croiser dans la ville. Nous créons un réel contraste face aux autres clients du café, vêtu de nos shorts de sport et chaussettes hautes. Nos têtes d’européens nous excusent. Il fait très beau en ce samedi matin. Nous avons beaucoup de mal à nous faire comprendre auprès des serveurs. Leur système de commande par application n’aide pas. Nous resterons près de deux heures au restaurant, entre attente de nos plats et volonté de prendre notre temps.
Etant donné qu’il est prévu de rendre la voiture aux alentours de 15h00, nous prenons un métro de sorte à rentrer au AirBnB afin d’être à l’heure. Le Duster et ses clés sont officiellement rendus à son propriétaire. Aucune anomalie n’est notée. La nostalgie s’empare de nous en repensant à toutes les horreurs que nous aurons fait vivre à cette voiture, au combien efficace. Un road-trip n’est rien sans une voiture. Une voiture de location dans un voyage aussi intense, riche en souvenirs, est partie intégrante du groupe. Nous récupérons ainsi la caution de cent euros qui nous avait été demandé à sa réception. L’objectif étant maintenant de dépenser cet argent.
Nous finissons par prendre un Yandex de sorte à dépenser cette somme et réaliser de derniers achats au Green Bazar. Des épices, du thé, des bagues afin de satisfaire notre famille et nos proches. De retour au AirBnB en métro, nous passons une dernière fois au supermarché afin d’acheter des produits industriels trouvables qu’ici, comme du chocolat local.
Notre soirée prend actuellement une tournure des plus standards. Pourtant, nous avons longtemps cherché une solution afin de passer un dernier moment notable, mémorable. Jusqu’à hier, il était prévu d’aller voir un match de basket, à Aktaou, en banlieue d’Almaty. Nous avons sondé tous les sports afin de trouver un événement sportif. Ce soir-là, le match 3 de la finale du Championnat Kazakh de Basket a lieu. Une aubaine pour nous. Une certaine excitation d’être en “courtside”, à l’américaine. C’était sans compter sur ma connaissance de la géographie locale que nos espoirs se sont très rapidement éteint. Aktaou, ville à 2 700 kilomètres à l’Ouest d’Almaty reçoit en effet Almaty. L’Aktaou n’était donc pas celui espéré. Douche froide à base de rires.
Nous restons fatigués, notre souhait est de ne pas manger bien tard afin de passer une dernière nuit correcte avant notre retour en avion. Le soir où nous avons mangé Indien, nous avions hésité avec un restaurant géorgien. C’est ce soir au tour du Géorgien. Il nous reste plus de 60 euros. C’est énorme pour le Kazakhstan. Nous savons que nous allons énormément manger. Nous sommes accueillis par un groupe de serveuses, amusées par nos blagues et notre langage. Nos faciès ne semblent pas les déranger non plus, nous sommes dévisagés tout au long du repas. A en devenir gênant. Nous commandons un, deux, trois plats chacun. L’argent se doit d’être dépensé. Arrivé joyeux et plein de conneries, je sors barbouillé et ronchon à l’idée d’avoir trop mangé. Je n’en peux plus. Mon ventre va exploser.
Il fait nuit noire quand nous rentrons au AirBnB, à seulement 500 mètres du restaurant. Ce soir-là encore, il pleut. Les températures de la journée se transforment en orage le soir. Phénomène similaire à ce que nous connaissons en France. Depuis notre retour à Almaty, le deuil du voyage est fait. Nous avons anticipé notre retour en France. Notre esprit est prêt à rentrer. Cela fait maintenant trois jours que nous vivons la “slow life” Kazakh. Cafés à répétition, run matinal, chill à l’appartement. C’est la dernière fois que nous déambulons dans les rues de la ville, peut être ne reviendrons nous jamais ici. Qui sait. Il est aux environs de 22h30 quand nous rentrons au AirBnB. Les valises sont prêtes, le réveil est programmé. Au revoir Almaty.
Conclusion
Quand nous y réfléchissons, cela fait déjà un mois que ce voyage est terminé. Que nous reste-il maintenant ? Que nous restera t-il dans vingt ans ? Nous voyageons à haute intensité, à la recherche de la plus belle photo, du plus beau souvenir, du plus bel exploit à raconter afin d’exister.
Le #SOMETHINGSTAN comme j’ai eu l’occasion de l’appeler, ou bien le Kazakhstan et le Kirghizistan de Christian, Marin et Jules ne sont en rien des exploits. Il s’agissait d’un droit d’explorer un lieu encore peu connu sur Terre. Une simple volonté de vivre, de découvrir, de rire.
Entre des randonnées plus ou moins longues, des routes plus ou moins plates, des kilomètres plus ou moins mouvementés, des villes plus ou moins polluées, des soirées plus ou moins alcoolisées. Cette histoire est celle de quatre garçons que le monde n’avait jamais eu l’occasion de se faire rencontrer. Cette histoire est celle de quatre garçons qui avaient tout pour s’entendre. Des personnalités au combien différentes, des valeurs au combien communes. Le sport, la montagne, les grands espaces, le calme, raconter des blagues, ou simplement les écouter pour encore mieux en rire.
La vie est longue. La vie va vite. Créons des souvenirs indélébiles de moments inoubliables avant que la vie nous rattrape. Avant que la vie ne les rattrape.